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Un article de la presse vietnamienne pour soutenir Georges Boudarel

Un article de la presse vietnamienne pour soutenir Georges Boudarel




Georges Boudarel, l'ami français de la révolution vietnamienne [1]


En 1991, l'affaire Boudarel éclata comme une contre-offensive décisive de la droite visant la gauche qui gagnait du terrain sur l'échiquier politique français. Elle revint sur la condamnation à mort par contumace prononcée contre les Français ayant participé à la résistance des peuple en lutte pour leur indépendance (ils ont été amnistiés par la suite par De Gaulle en 1967). L'Action française et le Front national ont bruyamment manifesté en investissant l'Arc de triomphe pour y déployer une banderole sur laquelle était écrit "Boudarel, le traître". Le 20 mars 1991 une association d'anciens combattants et une amicale pour la défense des intérêts de l'Armée française, déclarèrent qu'elles poursuivraient Georges Boudarel, ancien membre du PCF et professeur d'histoire à Paris 7-Jussieu, pour « crime contre l'humanité » et "torture morale" à l'encontre des prisonniers français dans un camp vietminh pendant la guerre d'Indochine. Où est la vérité ?

L'essentiel du problème

L'extrême-droite accuse ''Boudarel, chargé de l'agit-prop (dans les zones de combat), d'avoir massacré des prisonniers français, ses propres compatriotes''. Devant les protestations de certains anciens combattants de la guerre d'Indochine, cette version des faits a dû être transformée en torture morale par lavage de cerveau. Tout le monde sait que le lavage de cerveau et le bourrage de crâne ne sont pas des pratiques de l'Armée et du gouvernement vietnamiens à l'encontre des prisonniers, et il est peut-être inutile d'expliquer en long et en large pourquoi Boudarel, et tant d'autres cadres dans les camps de prisonniers français, ont fait de la propagande sur l'absurdité de la guerre ''de reprise de contrôle de l'lndochine'' que les colonialistes français ont entamée dès 1945.

Le "crime contre l'humanité'' a été retenu contre Boudarel pour avoir soutenu la politique du gouvernement vietnamien envers les prisonniers, laquelle était cause, d'après la droite, de la mort de nombre de prisonniers dans les camps de rééducation. En réalité, sous un gouvernement qui venait d'arracher l'indépendance, et qui a dû partir dans les maquis pour faire la résistance, la maladie et la mort par manque de nourriture et de médicaments n'étaient pas le sort des seuls prisonniers français. Ceux qui aiment la vérité et la raison ne peuvent dire la même chose que si les militaires français avaient été faits prisonniers aux États-Unis ou dans un autre pays ayant des ressources financières et économiques équivalentes à celles de la France.

Dans une maîtrise d'histoire soutenue à Paris 7 pour la défense de Georges Boudarel, on trouve d'extraits de mémoires d'anciens prisonniers français sur la politique de rééducation : une lettre de Hô Chi Minh leur demandant des nouvelles, l'autorisation de chanter La Marseillaise dans l'enceinte même du camp. L'article intitulé ''Assainir la sale guerre" conclut d'une façon non équivoque : ''Parallèlement à l'attaque contre Saddam Hussein, Ia presse en Occident a tendance à parler des guerres colonialistes, dans le but de sanctionner ceux qui sont considérés comme traîtres. Tandis que la presse française condamne Boudarel, en Hollande, un ancien militaire qui a soutenu la résistance du peuple indonésien en 1947, est aussi victime de cette vague, pourquoi personne ne pense t-il à un film de Kevin Cosnner qui obtenu un Oscar (Danse avec les loups), et qui raconte l'histoire d'un militaire bIanc combattant aux côtés des Amérindiens contre ses propres compatriotes ? Pourquoi ce film a-t-il été primé et reconnu, sinon comment faire pour que l'esprit colonialiste des journalistes soit en harmonie avec la vérité? ''

Fin 1991, le tribunal français rend un verdict de non-lieu au bénéfice de Boudarel, faute de preuves. À son tour, celui-ci contre-attaque et porte plainte contre ceux qui l'ont calomnié. L'affaire dure encore, sans qu'on ait l'espoir de voir une issue convenable. Quoi qu'il en soit, c'est déjà une victoire de Boudarel, de l'Université Paris 7 et de tous ceux qui ont pour idéal justice et progrès dans ce monde.

S'engager c'est accepter d'en payer le prix

En 1948 un membre du PCF de 22 ans se trouva à Saigon. Le gouvernement français de cette époque ne faisait pas du tout attention à ce citoyen un peu particulier, parce qu'il devait faire face aux forces vietminh, après sa réinstallation en Indochine et l'élargissement du conflit en septembre 1945. Cet homme était Georges Boudarel, professeur de philosophie au Lycée Marie Curie. À cette date il avait déjà rencontré nombre de dirigeants vietminh engagés dans la révolution d'Août. Sur les conseils de l'architecte Huỳnh Tấn Phát, il travailla à ''Radio Saigon-Cholon libre'' de décembre 1950 à juin 1951, puis comme secrétaire du docteur Phạm Ngọc Thạch jusqu'à mars 1952. À la fin de cette année, il rejoignit les zones de combat dans le nord, sous le nom vietnamien de Đại Đồng inscrit sur sa carte de presse délivrée par le directeur du Service central de presse du gouvernement de la République démocratique du Viêt Nam.

En tant que Français et membre du PC, et durant toute la période de ses activités dans les zones de combat, Georges Boudarel eut pour tâche de faire de la propagande au sein du Service d'agit-prop. Il était ''l'unique compatriote'' des prisonniers français, faisant partie des cadres vietminh dans les camps de rééducation. C'est la raison pour laquelle la droite française le considère comme un ''traître''. Et le tribunal français l'a condamné, en même temps que bien d'autres, à mort par contumace.

Le nom de Đại Đồng (Fraternité internationale) qui d'après plusieurs cadres proches de Georges Boudarel à cette époque, lui a été donné par Hô Chi Minh, a la signification noble et pure de l'internationale qui relie les communistes.

Bien qu'il ait quitté par la suite le contingent du PC, il a continué à participer aux activités du PS, homme de gauche en somme. Les années consacrées à la révolution vietnamienne, les plus marquantes de sa vie, témoignent qu'il était habité par une idée qui le suivait dans chaque engagement: le combat pour la liberté, pour la justice et la fraternité entre les peuples. Parce que l'engagement, d'après un article paru dans le Monde diplomatique pour le défendre, suppose acceptation de toute événtualité, y compris le risque de payer très cher son action.

Trung Dũng – Phương Tinh Thanh niên, n° 126(719) du 2 septembre 1995

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Notes

[1]. Durant l'affaire Boudarel, surtout au début, la presse vietnamienne observait un silence religieux. Cet article fut l'une des rares réactions de la partie vietnamienne. L'ouvrage de Kỳ Thu, ancien chef de camp n°1, camp des officiers et sous-officiers où Jean-Jacques Beucler a passé quatre mois de captivité, (Khép lại quà khứ đau thương. Hồi ký về trại tù binh sĩ quan Pháp số 1, [Refermer un passé douloureux. Mémoires sur le camp d'officiers prisonniers français numéro 1], Ed. Văn Hóa - Thông tin, Hà Nôi, 1994. La version française de cet ouvrage est parue à Hanoi en août 1995, et la réédition en avril 1996.), constitua une autre exception.


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