Comptes rendus de lecture
Comptes rendus de lecture
Léon Werth
Cochinchine. Voyage.
Paris, Viviane Hamy, 1997, 251 p.
Voyage du Petit prince en Cochinchine
Si nos aînés connaissent tous Léon Werth et ses oeuvres il n'en est pas de même
pour la jeune génération versée dans les études sudestasiennes et plus précisément
vietnamiennes.
La parution de ce récit de voyage effectué par l’auteur en 1925
nous plonge dans le passé colonial, « ambigu » pour les uns mais insupportable
pour les autres. Cette « entreprise de résurrection » des oeuvres de Léon Werth,
aujourd'hui tombé dans l'oubli, est due à la conviction de l'éditrice - Viviane Hamy
- qui a déjà réédité nombre de ses écrits. Rappelons tout simplement que Léon Werth
était l'ami fidèle du grand écrivain humaniste Antoine de Saint-Exupéry dont Le Petit Prince,
qui a fait pleurer plus d'une génération, lui est dédié.
Par l'entremise de Paul Monin
- avocat au barreau de Saigon, l'homme qui « entraîna le pilleur des temples khmers
dans l'action politique en Indochine » - qui l'a invité puis qui a organisé son voyage,
Léon Werth entra en contact avec Nguyen An Ninh, tête pensante de la jeune
génération oppositionnelle défiant la colonisation sur son propre terrain.
Les visites effectuées au siège de
La cloche fêlée dirigée par Ninh, les promenades
dans les rues de Saigon, à Cho Lon, à Bac Lieu, à Tra Vinh, à Cân Tho..., et des scènes
de la vie coloniale, fournissent à Léon Werth matière à réflexion.
Dans un style clair
et simple, il nous livre ses sentiments et ses embarras. Plus d'une fois il a honte d'être
Européen devant « la tradition des moeurs coloniales» de ses compatriotes. D'après lui,
son ami Nguyen An Ninh représente bien plus l'Europe des Lumières que les coloniaux qui,
à l'autre bout du monde, ont falsifié cette même Europe. Et pour cause, « si les coloniaux
ne nous ont point apporté la culture de l'Europe, lui dit Nguyên An Ninh, on ne peut guère
leur en faire grief. Ils ne la connaissent point ».
Entre autres anecdotes on apprend par
ailleurs que le Docteur Cognacq, - l'homme qui a balancé à la figure de Nguyen An Ninh
la célèbre réplique « Si vous voulez faire des intellectuels, allez-vous en à Moscou.
Sachez que la graine que vous voulez semer dans ce pays ne germera jamais...que la
Cochinchine entière m'obéit et que si vous persistez, le Dr. Cognacq est prêt à se servir
des derniers moyens... » - , proposait à un libraire parisien «une singulière combinaison
de factures fictives ».
A travers ce récit, la voix de Léon Werth nous rappelle que l'Europe possède en elle-même
une composante humaine qui se situe au-delà des entreprises conquérantes. Un livre à
déguster.
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