Comptes rendus divers

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Centre Wallonie-Bruxelles
Festival Francophonie métissée, Paris, 1er octobre - 23 novembre 1997

La Lettre de l'Afrase, n° 43, novembre 1997



Francophonie sur Seine


Chargé de promouvoir les artistes de l'espace francophone, le Centre Wallonie-Bruxelles 1, a profité de la tenue à Hanoi du 14 au 16 novembre 1997 du Sommet de la Francophonie pour organiser à Paris le VIe Festival Francophonie Métissée avec l'aide de l'Agence de la Francophonie (ACCT), du Commissariat Général aux Relations Internationales de la Communauté française de Belgique, du Ministère de la Culture et de l'Information de la République Socialiste du Vietnam, de l'Ambassade de la République Socialiste du Vietnam à Paris, du Département des Affaires Internationales du Ministère de la Culture (DAI), et le soutien de Vietnam Airlines.

Le Festival s'est ouvert le 29 septembre dernier avec le discours inaugural de l'Ambassadeur du Vietnam, saluant, par la même occasion, le vernissage de sept jeunes peintres de la génération de Doi moi 2. Dans la soirée les invités et spectateurs ont chaleureusement accueilli le groupe Daklak qui a présenté un répertoire de la musique édé des Hauts plateaux du Vietnam, répertoire composé de percussions et de chansons allant de la variété au rock. Le chanteur vedette Y Moan Enuol a quelque peu électrisé une salle médusée par ce métissage musical fort réussi. C'est la première fois qu'une manifestation culturelle hors du Vietnam ait pu faire venir un nombre important de créateurs - 24 au total -, et surtout le poète Le Dat qui a obtenu in extremis l'autorisation d'y participer, suite aux tractations entre les autorités vietnamiennes et les responsables du Festival. Acclamé par le public, Le Dat n'a pas oublié de rappeler allusivement le mouvement Nhân Van Giai Phâm3 qui réclama en 1956 la liberté d'expression et la démocratisation de la société avant d'être réprimé puis mis au placard3. Il représente à l'heure actuelle l'un des rares survivants du mouvement. Il est vrai par ailleurs que les pionniers de cette génération ont été officieusement réhabilités ces dernières années.

Les trois rencontres organisées autour de ces artistes et écrivains ont permis à l'auditoire de s'informer sur leur situation et le contexte mercantile qui pèse de tout son poids sur eux sans oublier la censure. Ainsi la comédienne et metteur en scène Nguyên Thi Minh Ngoc a-t-elle fait part de ses difficultés à monter à Saigon la pièce de Samuel Beckett En attendant Godot qui aurait pu, sans doute, d'après elle, être réalisée à Hanoi où le climat ambiant est plus ouvert. Quant à la jeune Phan Thi Vàng Anh dont les nouvelles sont traduites et publiées chez Picquier, elle s'est contentée de dire que la jeune génération n'écrit que sur elle-même. Le cinéaste Trân Vu, à la retraite, retrace le parcours de jeunes réalisateurs confrontés au productivisme qui les pousse à faire des films au moindre coût pour la télévision, sans se soucier de la qualité, aux dépens de véritables fictions.

La dernière rencontre sur le thème Quelle place pour la littérature vietnamienne dans l'édition française aborde à la fois les problèmes techniques et d'ordre général. Le traducteur Phan Huy Duong, aux côtés de Lê Thành Khôi, de Georges Boudarel et du jeune romancier-traducteur Dô Khiêm, affirme que les lecteurs de cette littérature existent bel et bien et qu'il ne faut pas les décevoir surtout quand ils sont exigeants 4. Le Festival s'articule sur un autre pôle: le septième art. A côté des longs métrages dont la qualité reste très inégale, les spectateurs peuvent savourer quelques courts métrages réalisés à l'époque coloniale, notamment un documentaire de 1917 sur les environs de Hanoi, et un autre de 1949, sur les peuples d'Indochine. Le clou de ce panorama cinématographique est sans conteste le documentaire, projeté en avant-première, sur le quotidien du quart-monde vietnamien à Hué. On y découvre des mutilés de guerre qui, acculés à vivre sur le bidonville flottant, gagnent leur vie à plonger dans la Rivière des Parfums pour en extraire des paniers de sable ou de gravier qui serviront à la construction des habitations de l'autre monde. Les images du documentaire se passent de commentaires.

Bref, même si l'organisation des débats laissait parfois à désirer, ce Festival a le mérite d'avoir fait sortir du Vietnam autant de créateurs : occasion pour eux de se ressourcer et de se confronter à une autre réalité, celle de l'Occident, certes encore mythifié pour beaucoup. A propos de la peinture, certains leur reprochent de suivre le courant dominant, qui d'ailleurs s'essouffle en Occident, au lieu de rester eux-mêmes. En d'autres termes l'originalité est sacrifiée sur l'autel de l'art moderne. A leur décharge, c'est aujourd'hui que les jeunes artistes vietnamiens le découvrent et en ce sens, l'art moderne est pour eux libérateur.

Notes :

1 Adresse : 46, rue Quincampoix 75004 Paris (en face de Beaubourg).

2. L'exposition reste ouverte jusqu'au 23 novembre.

3. Voir G. Boudarel, Cent fleurs écloses dans la nuit du Vietnam, Bertoin, 1992.

4. Le tirage de chaque roman, chez Picquier du moins, tourne autour de 15.000 exemplaires.


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