I n é d i t s
I n é d i t s
Nuit en plein jour
Nuit en plein jour
Traduction d'un chapitre des mémoires de Vũ Thư Hiên,
Đêm giữa ban ngày
édité par Văn nghệ (États-Unis), 1997.
Chapitre 12
Un dimanche matin je fus appelé, contrairement à l’habitude, pour une déposition. Lorsque Hach ouvrit la
porte je somnolais encore. Les jours de la semaine les prisonniers détenus dans les cellules doivent se lever
tôt pour être prêts à tout moment à aller faire la déposition bien que cette éventualité ne leur arrive que
rarement. D’après le règlement, quand le surveillant ouvre la porte pour qu’ils aillent vider leur pot, faire leur
toilette et prendre leur petit déjeuner, ils doivent être déjà habillés convenablement à défaut d’être en tenue
impeccable. Ceci pour témoigner du respect au régime. Ce qu’on appelle petit déjeuner est un leurre, car la
ration est maigre et de pure forme. Juste un bout de manioc avarié, quelques tubercules rongées par des
insectes. Voilà ce que c’est, le petit déjeuner pour les prisonniers.
Le dimanche matin ils n’ont pas droit au petit déjeuner. Le surveillant tarde à venir, ce qui leur laisse le temps
de faire la grasse matinée. On croyait que dans les cellules, les jours se succèdent et se ressemblent tous,
en réalité non. Comme les autres à l’extérieur, les détenus attendent le dimanche, qui n’est pas pour eux un
jour de repos mais un repère temporel. Un dimanche écoulé et le prisonnier se rapproche un peu plus du but
de la libération qui se trouve bien loin à l’horizon. Il y a aussi un aspect psychologique : un jour pas comme les
autres, le jour où l’on ne l’oblige pas à se lever pour aller faire la déposition. Le prisonnier peut rester
paresseusement couché jusqu’à tard dans la matinée, ce qui lui fait penser qu’il est comme les autres, à l’extérieur.
A Hoa Lo, c’est rare que le prisonnier aille faire sa déposition le dimanche. Cela n’arrive qu’aux prévenus qui
viennent d’être arrêtés pour des crimes graves, et dont la déposition est urgente à recueillir, quant à ceux qui
n’ont commis que des délits mineurs, ils peuvent dormir tranquillement. Le dimanche tout le monde vaque, et
le prisonnier et son geôlier. Je ne voyais pas pourquoi Huynh Ngu inventa ce jeu pour m’en faire subir la peine
alors que j’avais encore sommeil. N’en avait-il pas encore assez de mon affrontement verbal ?
Ça fait déjà quatre semaines que j’ai été arrêté. C’est vrai que le temps passe comme file la navette du
tisserand. C’était grâce à Thành qui me le rappelait que je réalisai cela, car je ne me souvenais de rien. J’avais
décidé de ne pas compter les jours alors je ne les ai pas du tout comptés.
Pourquoi compter les jours en prison ? Est-ce pour vérifier la formule « Un jour en prison vaut mille ans à
l’extérieur » puis se comparer aux ancêtres ?
C’est terrible, quand on pense au temps qui est très long dans les cellules, et rien ne lui est comparable.
Mieux vaut l’oublier, oublier les jours et les mois, oublier ses parents, sa femme et ses enfants, oublier autre
chose encore, tout oublier. C’est à ce prix qu’on arrive à tenir, qu’on ne devient pas fou, qu’on ne déchire pas
les vêtements ni la couverture ni la moustiquaire pour en faire une corde puis se pendre.
Des lieux pour se pendre, il y en a partout et on peut le faire à tout moment, même si au premier abord la
cellule vide semble dépourvue d’endroit à cet effet.
Thành me raconta qu’il y en avait un qui se pendit aux barreaux-mêmes du judas. Et il était mort. Mais il fallut
beaucoup de détermination et de courage car le judas arrivait juste à la hauteur du visage d’une personne
de taille moyenne.
Je m’imaginai pendu sur ces barreaux, la tête penchée sur le côté.
Non, je ne choisirais pas une telle mort. Ça ne ressemblerait à rien.
De temps à autre, comme si c’était pour m’encourager Thành citait deux vers dont j’ignorais s’il était l’auteur :
Tant que le ciel, la terre, les montagnes et les eaux sont encore là
On ne sera peut-être pas toujours ainsi !
Hach m’observait attentivement enfiler une veste de coton ouatée en plus, et mettre les souliers. J’avais
l’impression que son regard pesait sur tout mon corps. Il avait un regard inconscient qui ne distinguait pas
un être humain des choses ou du vide. Sous ses yeux le prisonnier se considérait comme s’il faisait partie
de la proportion éliminée de l’humanité selon la classification nazie, indigne de vivre et bonne à être jetée
au crématoire. Hach ne manifestait ni pitié ni aversion. Il regardait de haut avec indifférence.
Par anticipation il m’arrivait d’imaginer des choses qui se révéleraient fausses. Dans les faits quand il
m’accompagna à la salle d’interrogatoire, son comportement à mon égard n’était pas si mauvais. En voyant
ma tête hirsute, il me dit d’un ton assez sincère :
- Vos cheveux sont déjà longs. Cet après-midi si j’ai du temps je vous les couperai.
Huynh Ngu me reçut dans sa veste de coton ouatée par-dessus le manteau de drap noir à la Sun Yat Sen
comme d’habitude.
Il faisait un froid de canard. Assis dans cette pièce fermée, je tremblais pourtant de l’intérieur.
Il n’y a pas de miroir en prison. On ne sait si on est vieux ou jeune. C’est ce que Thành n’arrêtait pas de
répéter. Je réalisai que j’avais bien maigri en voyant mon poignet. Par contre, je ne savais pas si j’avais
beaucoup vieilli. Je n’ai jamais vu un miroir à Hoa Lo. J’avais trente quatre ans. Je n’étais pas encore
tourmenté par la peur de la vieillesse. Autour d’un thé, Huynh Ngu palabrait avec moi un bon moment.
A travers ses propos chargés de sous-entendus, on avait l’impression que se dissimulait par-là ou derrière
lui un avenir radieux ou du moins agréable : dans peu de temps nous pourrions retrouver notre famille.
Perspicace et plein d’humanité
[1] , le Parti nous trouverait pour chacun un travail convenable et une situation
méritante.
Je buvais le thé sans mot dire en écoutant distraitement son baratin qui me fit penser à ce qu’on disait :
« Même la fourmi finit par sortir de son trou quand elle écoute parler les Vietminh », ce qui me fit éclater de rire. Et pourtant autrefois je me fâchais en entendant cela. Et pour cause, j’étais moi aussi vietminh. Plus tard, à partir de 1954 à peu près, les gens prirent petit à petit peur et personne n’osait plus sortir cette satire.
Un homme d’âge mur entra et sans un mot, s’assit à côté de Huynh Ngu. J’avais l’impression d’avoir déjà vu
quelque part cet homme au visage osseux mais je ne me rappelais pas. Huynh Ngu semblait lui vouer une
déférence, il allait arrêter la conversation pour le saluer mais celui-ci lui fit signe de la main de continuer.
Plus tard, j’appris qu’il s’agissait d’un personnage important, c’était Nguyên Trung Thành, le patron de l’organe
de la défense du Parti.
Huynh Ngu arrêta soudain ses flots de paroles, il se rappela quelque chose et chercha dans ses poches
puis en sortit un bout de papier :
- Tenez, reconnaissez-vous cette écriture ?
Content de lui, il fit valser la feuille de papier devant moi.
Je reconnus l’écriture de mon père même à cette distance. Il faisait partie de la dernière génération qui avait
abandonné l’étude des caractères chinois au profit du quôc ngu. Quand il était encore jeune et bien
longtemps encore après, on prêtait à cette époque beaucoup d’attention à l’écriture, les élèves s’entraînaient
à avoir une aussi belle écriture que ce qui était imprimé dans les manuels scolaires. A l’école, cette matière
était à l’égal des autres. Je ne savais pas si les colonialistes français avaient formé une nouvelle couche
intellectuelle modèle pour les besoins de la colonisation ou l’enseignement de cette époque accordait
plus d’attention à la forme, quoi qu’il en fût, la génération de mon père avait été formée pour avoir une belle
écriture. Celle de ma génération était bien mauvaise et celle de la génération d’après est encore pire.
Je fis semblant de cligner l’œil, d’être attentif avant de faire signe de tête :
- Non, je ne reconnais pas.
Huynh Ngu approcha la feuille de papier :
- Et là, vous la reconnaissez ?
Je continuai de faire signe de tête que non.
- Votre vue est si mauvaise ?
- Non, pas tant que ça.
- Et pourtant vous ne la reconnaissez pas.
Il était satisfait de son jeu d’enfant.
- Et maintenant, vous la reconnaissez ?
Cette comédie se révéla par la suite bénéfique. Me croyant un peu myope, Huynh Ngu laissait traîner
distraitement sur la table des dépositions accessibles à ma vue. J’apprenais ainsi qui venaient d’être arrêtés,
qui avaient succombé à la faiblesse.
- Tenez, c’est la lettre de votre père ! Huynh Ngu la montra devant mes yeux. Lisez. Je vais passer un instant
à côté. Il se leva en même temps que le patron de la défense du Parti. Ils sortirent.
Je lis sans attendre la lettre de mon père :
« Mon fils,
Ces derniers jours je ne me sens pas bien du tout. Je me fais beaucoup de soucis pour votre mère et pour
vous tous restés à la maison. Ne vous inquiétez pas pour moi, ici j’ai ce qu’il faut comme médicaments et
on me soigne correctement. Dans l’impossibilité d’agir autrement, le Parti était contraint de m’arrêter, parce
que j’avais commis des fautes à son égard. En tant que membre du Parti ayant participé depuis longtemps
aux activités révolutionnaires, j’ai eu le tort de ne voir que les injustices sans remarquer la globalité grandiose.
Dépourvu de sens de l’organisation, j’ai fait de graves erreurs qui risquent de nuire au Parti. J’espère que
dans ce tournant de la révolution tu m’écoutes pour déclarer sincèrement au Parti toutes les erreurs que tu
as commises. La devise du Parti est de guérir pour sauver la vie humaine, vis-à-vis des cadres
révolutionnaires, le Parti n’a pas pour but de les punir. Papa. »
L’unique sentiment que j’éprouvai après cette lecture, je me rappelle bien, fut la honte, la profonde honte.
Mon visage s’échauffa, je transpirai. C’est exactement comme on dit, je voulais me terrer dans un trou.
Quelle raison avait poussé mon père à écrire une telle lettre ? Mon Dieu, quoi d’autre que la capitulation
humiliante ? Alors que nous étions innocents. Que nous nous serrions les dents pour garder la tête haute.
Que nous réclamions aux dictateurs la réponse devant l’opinion publique.
La lettre de mon père dans leur main équivalait à un aveu. Elle n’avait rien de bon pour nous. J’avais
l’impression de voir Huynh Ngu se tordre de rire de satisfaction. Les mots affectueux de mon père
tourbillonnaient devant mes yeux. Ciel ! Mon père que je considérais habituellement comme un héros,
pouvait-il être si lâche ?
A cet instant, le Ciel témoigna, j’étais un fils ingrat. Je souhaitai la mort à mon père mais une mort digne
d’un héros. Je ne voulais pas qu’il vécût dans une telle lâcheté. Mourir debout vaut mieux que vivre à genoux,
n’était-ce pas lui-même qui m’avait enseigné cela ?
Nous qui sommes ses enfants, nous l’avons tant aimé tant respecté.
La première idée qui me vint à l’esprit c’était de tenir jusqu’au bout. Mon père pouvait capituler mais pas moi
[2] !
Ce que je redoutais le plus à ce moment c’était de voir Huynh Ngu qui découvrirait mon visage changer de
couleur. Il pouvait revenir à tout moment. Le frisson de froid disparut. Je transpirais. Je ne capitulai pas
encore. Et pourtant mon père avait hissé le drapeau blanc à ma place. Je n’aurais plus osé affronter le
regard de Huynh Ngu comme avant. Mes larmes commencèrent à couler.
Je restai immobile à relire douloureusement la lettre plusieurs fois de suite. J’oubliai la présence du policier
collaborateur de Huynh Ngu assis en silence dans un coin, un homme petit au front dégarni, le visage gentil,
on aurait dit un maître d’école de village.
On racontait qu’au sein du Bureau 2
[3] , il y en avait qui passaient maîtres dans l’art d’imiter l’écriture des
autres et qui travaillaient dans le service fournisseur de faux papiers aux agents secrets. Aucun d’eux qui
les utilisait ne fut démasqué. Après l’indépendance (1954) le Service de la police vietnamienne devint le
secrétariat d'État à la Police puis le ministère de la Police ; le Bureau 2 transféra ainsi un certain nombre de
ces artistes au Bureau du contre-espionnage du dit ministère.
La lettre pouvait être sans doute fausse.
Malheureusement pour moi, plus je la lisais et l’examinais plus j’étais persuadé qu’elle n’était pas l’œuvre
de la police. C’était bien les traits de mon père. Mais je ne croyais pas non plus à sa lâcheté, ce n’était pas
quelqu’un de cet acabit. Il me fallait garder le sang froid pour chercher le message caché derrière ces mots
si modestes. Avant mon arrestation, la Police m’avait aussi remis une lettre de mon père qui me conseillait
d’aller voir la Commission d’organisation du comité central pour rapporter les erreurs commises. Je ne
croyais pas que mon père ait écrit cela. Je ne me rendis pas non plus à la dite Commission. Il fallait être
bête pour reconnaître les fautes qu’on n’avait pas commises et que Lê Duc Tho utiliserait à des fins criminelles.
Mon père savait-il que je fus arrêté ? En me basant sur ses propos tenus dans la lettre, propos qui n’étaient
pas clairs, il était fort probable qu’il ne fût pas encore au courant de mon arrestation, sinon il n’aurait pas
écrit « Je me fais beaucoup de soucis pour votre mère et pour vous tous restés à la maison ». C’était pour
protéger sa famille menacée par des gens de pouvoir. Il voulait me sauver. Il avait peur que si on m’arrêtait à
mon tour, ma mère aurait eu du mal à s’en sortir.
Pourquoi le bas de la lettre fut-il découpé ? Est-ce qu’on voulait enlever la ligne qui contenait la date, ou
supprimer le post-criptum qui ne convenait pas à la censure ?
Pourquoi écrit-il « Je me fais beaucoup de soucis pour votre mère et pour vous tous »? Qu’est-ce qui lui
donnait des soucis ? Avait-il peur que ma mère ne pût pas élever les enfants sans son salaire, étant lui-même
détenu ? Certes, le Parti ligotait les cadres à lui par le salaire, et ceux-là, habitués à vivre des subventions,
n’arrivaient plus à s’en sortir une fois qu’on leur coupa les mamelles de l'État.
Ma mère est une femme débrouillarde. Elle pourrait devenir une marchande ambulante avec le fléau sur
ses épaules mais jamais elle n’accepterait que son mari fût soumis à une tyrannie à cause d’elle. Mon père
savait bien cela. Auparavant il n’avait jamais écrit quelque chose de semblable dans ses lettres qui lui étaient
destinées. Elle lui montrait plus d’une fois qu’elle pouvait s’en sortir seule, lui étant souvent absent pour leurs
activités révolutionnaires.
En recoupant les plaisanteries de leurs amis et ce que ma mère m’avait raconté sur leur jeunesse, j’imaginais
l’histoire d’amour de mes parents germait dans les rencontres de deux organisations patriotiques discutant
de l’union. Celle de ma mère a vu le jour par la volonté des jeunes filles de se rassembler
[4].
Dans les livres
d’histoire on relate ce contexte en ces termes : « Les organisations révolutionnaires poussaient comme
des champignons ». A cette époque, ma mère, étudiante, organisait avec ses camarades la grève scolaire
pour défendre Pham Tât Dac
[5], auteur du célèbre poème Chiêu hôn nuoc.
Créé en 1925, le Thanh Niên était une solide organisation qui avait la confiance du peuple. En étant
membre, mon père nouait des contacts avec les autres organisations patriotiques les appelant à s’unir
pour se renforcer. L’histoire d’amour de mes parents naquit de ces rencontres
[6], un amour romantique
sur fond de patriotisme, le patriotisme de ceux qui étaient en désaccord avec le sort des colonisés.
Nous venions un à un au monde. Il était impossible pour mes parents de continuer tous les deux leurs
activités qui les auraient détournés de l’éducation des enfants. L’un d’eux devait rester au foyer pour
l’accomplir. Ce fut ma mère. Elle élevait les enfants tout en assurant les tâches compatibles avec ses
souhaits, tâches que le Parti lui confiait - économie collective et contacts avec les autres camarades.
Les dirigeants tels que Truong Chinh, Nguyên Luong Bang, Hoàng Quôc Viêt, Trân Huy Liêu, Trân Dinh Long,
Xuân Thuy, Nguyên Duy Trinh, Lê Quang Dao, Van tiên Dung, Lê Thanh Nghi, Trân Dang Ninh, Khuât Duy Tiên,
Dang Châu Tuê, Dang Kim Giang, Bùi Lâm, Dang Viêt Châu ... passaient tous par cette base révolutionnaire
sûre.
Et cette fois, qu’est-ce qui pouvait inquiéter autant mon père alors qu’il avait déjà connu des turbulences
rabattre sur eux, les époux révolutionnaires ?
Mes pensées allaient dans tous les sens.
Je finis par trouver ce que mon père voulait vraiment recommander, en plaçant les lignes écrites dans le
contexte de cette époque, ça donnerait : « J’ai peur qu’ils ne reculent devant aucune manœuvre de terreur
pour réprimer ceux qui osent leur tenir tête. »
Même ma mère m’a dit :
- Cette histoire se révèle pas simple du tout, les enfants. Ce n’est pas comme celle que les ennemis ont
dans le passé montée de toutes pièces pour qu’on s’entre-tue
[7]. En tout cas ce pouvoir n’est plus le nôtre.
Les profiteurs de la révolution ne peuvent encore se déclarer monarques. Comme ils parviennent déjà à se
hisser sur la tête du peuple, ils ne reculeront pas. Ils faut savoir tenir sa langue et boucher les oreilles pour
survivre à cette étape. S’ils m’arrêtent Hiên s’occupera des frères et sœurs, et si Hiên est aussi arrêté ce
sera Phuong qui s’en occupera, et ainsi de suite.
Elle nous a amenés à Hà Dông voir Dinh Chuong Duong, celui qui avait mis mon père sur le chemin de la
révolution, c’est pourquoi mon père le considérait comme un frère. Ils s’étaient rencontrés quand mon père
n’était qu’un élève de 15 ans au chef-lieu de la province de Tuyên Quang. Mon oncle Vu Dinh Linh, aîné
de mon père, y travaillait comme fonctionnaire de l’administration française.
Parmi les prisonniers politiques qui réveillaient la conscience de mon père pendant leurs corvées sur le
Mont Cô, l’oncle Dinh était le plus proche de lui.
Mon père s’abstenait de prendre le petit déjeuner, et demandait de l’argent à sa belle-sœur pour acheter
des vêtements à l’oncle Dinh afin qu’il pût s’évader de la prison en compagnie d’autres camarades. N’ayant
plus eu de nouvelles de lui, mon père écrivait seul des tracts puis les distribuait à Thai Binh avant d’être
arrêté pour la première fois.
« Huynh ! Huynh ! Huynh ! » Etant alité quand il apprit la mauvaise nouvelle, l’oncle Dinh frappa de sa main
sur le lit en criant trois fois ce nom puis sanglota. En voyant pleurer le vieil homme ça me serra le cœur.
Ma mère lui dit :
- Je serai peut-être arrêtée moi aussi, car je suis au courant de pas mal de choses, des secrets que
détient mon mari. Si je suis arrêtée Hiên représentera la famille pour venir te voir et si Hiên est arrêté à
son tour ce sera Phuong qui viendra te voir, de nos dix enfants tant qu’il nous en reste un qui ne sera pas
arrêté, il y aura quelqu’un pour passer te voir. Puis, d’une voix étranglée ma mère se dérida péniblement :
- Avoir une progéniture abondante se révèle en fait bénéfique dans les situations comme celle-là, tu sais !
L’oncle Dinh me demanda :
- Te rappelles-tu l’histoire du « cordon de chapeau dénoué
[8]» ?
Je répondis que oui et il poursuit :
- Autrefois on se permettait d’être ainsi mais maintenant ?
Ma mère lisait peu mais sa clairvoyance lui permettait de voir ce qui est essentiel dans les choses de la vie.
Pourquoi n’y ai-je pas pensé ? Peut-être au tréfonds de mon âme je soupçonnais encore mon père de
m’avoir caché certaines choses. Les dirigeants du Parti l’arrêtèrent pour avoir peut-être fréquenté ceux
qui complotaient le renversement du pouvoir ?
J’ai su après, une fois sorti de prison que certains avaient pensé naïvement comme moi. Nous avons fait,
comme on dit aujourd’hui, un peu trop confiance au Parti.
Sous Staline nombre de communistes innocents ont été mis hors jeu, ce que tout le monde sait maintenant.
Par contre peu de gens savent qu’ils ont tous reconnu les fautes qu’ils n’avaient pas commises, qu’ils se
sont tous repentis après être passés dans les cellules de prison. Des chercheurs qui étudiaient ce
phénomène sont unanimes pour dire que cette capitulation rapide était due à la menace proférée par
l’appareil d’oppression de s’attaquer à leur famille s’ils ne reconnaissaient pas les crimes.
Désespérés devant l’horizon bouché, les gens torturés n’ont que l’unique solution : se montrer soumis
dans l’espoir de sauver au moins leur famille
[9]. Huynh Ngu me rappela sournoisement :
- L’autre jour votre femme est venue avec les enfants pour demander qu’ils puissent voir leur père. Ils
sont mignons, les enfants. Votre femme a pleuré et eux aussi parce que leur père leur a manqué, ça m’a
serré le cœur de les voir ainsi. Vous devriez penser à votre femme et à vos enfants. Vous n’allez quand
même pas faire d’elle une rebelle antiparti ? Si vous perdez votre emploi, qui va nourrir vos enfants ? Que
deviendront-ils plus tard ? Ils seront dans la rue si vous persistez dans votre entêtement, dans votre refus
de se repentir. Le Parti vous pardonnerait
[10]. Il ne faut pas lui cacher ses fautes par peur d’être châtié.
Pensez plutôt que vous ne lui êtes pas tout à fait fidèle. Le Parti lève le bâton haut mais frappe doucement.
Une autre fois Huynh Ngu a essayé de me séduire :
- Faîtes donc des efforts ! Le camarade Sau
[11] m’a dit qu’il s’arrangerait pour que vous le rencontreriez.
Mais vous devriez vous comporter autrement sinon il refuserait de vous voir. Si vous le voyez, vous n’avez
qu’à l’implorer. Qui sait, il aura peut-être pitié de vous et il vous libérera...
- Je ne comprends pas ce que vous voulez dire par faire des efforts.
- Qu’est-ce que cela veut dire encore ? Ça veut dire que vous devrez déclarer sincèrement au Parti et
reconnaître toutes les erreurs commises. Le Parti sera indulgent.
Mon père écrit : « J’avais commis des fautes à l’égard du Parti... Dépourvu de sens de l’organisation, j’ai fait
de graves erreurs qui risquent de nuire au Parti. » De quelles graves erreurs s’agissait-il ? Qu’est-ce qu’il a
reconnu comme erreurs ? Il écrit que le sens de l’organisation lui faisait défaut, de quel sens de l’organisation
s’agissait-il quand justement cette organisation n’était plus la sienne ?
Je voyais peu mon père avant notre arrestation du fait de mes déplacements. A travers des confidences
décousues j’ai compris que mon père avait réalisé ce que les autres, non membres du Parti, avaient réalisé
depuis longtemps : le Parti n’était plus ce qu’il avait été. Je ne croyais pas qu’il était contre le Parti, termes
utilisés communément. Etant intransigeant à la manière des anciens lettrés et exaspéré il s’opposait à
l’organisation dont il faisait partie.
Était-il entraîné par d’autres à s’opposer au Parti sans le savoir ? Ceux-là auraient profité de lui, se seraient
servis d’un vieux vétéran de la révolution comme lui en guise de drapeau. C’est sans doute possible. Il
n’était pas aussi naïf au point d’être manipulé. Il n’avait pas encore perdu sa mémoire. Sa confiance dans le
Parti n’était pas consumée. Il espérait encore que celui-ci changerait. Il aurait été impossible qu’un parti
qui luttait pour l’indépendance nationale avec tant d’acharnements, comme on le sait, ne comprît pas que
l’indépendance n’aurait aucun sens si le pays dépendait de l’étranger, que la liberté n’en serait pas une
s’il n’y avait pas de liberté de penser. Les contradictions qui engendrèrent des répressions sauvages
provenaient-elles sans doute des points de vue divergeants sur la communisme ? Lorsque Lê Duc Tho
proclama « Le Partie c’est moi ! », et que Lê Duân déclara « Celui qui n’est pas avec moi est contre moi »,
n’importe quel quidam qui ne pense pas comme eux, et qu’importe les domaines, devient alors un antiparti
qui doit être puni.
Grâce à l’influence de la culture française, des idées de liberté de la révolution française, mon père ne
vouait pas au culte de la personnalité. Bien qu’il ait travaillé pendant des années aux côtés de Hô Chi Minh, il
le respectait comme un révolutionnaire stoïque, un dirigeant de valeur, sans tomber dans l’aveuglement pour
le vénérer. Pour mon père, il n’y a pas de génie, pas de saint chez un camarade. Chaque communiste est
responsable d’une tâche dans la réalisation de la révolution. Sa place est là et sa valeur également. Mon
père méprise la soumission. Ce n’est pas non plus parce que Hô Chi Minh était mal à l’aise avec lui que
Lê Duc Tho le fit arrêter.
Mon père était en contradiction avec Hô Chi Minh sur la question agraire, sur l’attitude envers les intellectuels,
les capitalistes et les propriétaires patriotiques. Lê Duc Tho, et peut-être bien Lê Duân aussi, devait sans
doute beaucoup manœuvrer pour que Hô Chi Minh consentît à ce qu’on arrêtait une vague de cadres
ayant participé à la révolution. Mon père affirmait catégoriquement que, contrairement à ce qu’on croyait
pendant des années, le vrai responsable des erreurs de la réforme agraire était Hô Chi Minh et non pas
Truong Chinh qui n’était qu’un bouc-émissaire. Par contre, il faut être équitable dans les jugements ;
Hô Chi Minh n’avait aucune intention de procéder à la réforme agraire pendant la résistance contre les
Français. Il évitait de déstabiliser le pouvoir révolutionnaire au moment où se trouvait en face l’ennemi
envahisseur. Il était contraint de passer par là sous la recommandation de Mao.
Dans cette décision l’aspect psychologique revêtit une importance capitale : Hô ne voulait pas passer
encore une fois pour quelqu’un dont l’opinion sur la révolution n’était pas solide. Aussi la réforme agraire
était-elle décidée dans un contexte qui subissait les fortes pressions exercées de l’extérieur. Elle débuta
dans les années 1953-1954, époque où la situation des combats, celle de l’intérieur comme celle sur le
plan international furent particulièrement favorables à la résistance, ce qui lui donna l’impression que la
victoire finale était à la portée de la main. Ses proches tels que Truong Chinh, Pham Van Dông, Hoàng
Van Hoan
[12], Lê Van Luong, Hoàng Quôc Viêt ... étaient des maoïstes de souche. Ils le poussaient de
concert à prendre une décision pas encore mûre chez lui. Cependant, ils gardaient vis-à-vis de lui une
attitude modeste dans un rapport de disciples à maître. A côté de l’étoile Hô Chi Minh, le secrétaire général
Truong Chinh ne détenait pas un grand rôle comme beaucoup pouvaient le croire. Pham Van Dông,
Vo Nguyên Giap et ce dernier n’osaient pas prendre des décisions personnelles sur de grands projets,
d’ailleurs ils n’étaient pas autorisés à le faire.
Vers la fin de la résistance, pendant que dans les provinces libérées de la quatrième zone, comme Thanh Hoa
et Nghê An, des cadres chargés de faire diminuer les impôts et les taux d’intérêts excitaient les paysans à
torturer sauvagement les propriétaires terriens qui n’étaient en réalité que des paysans aisés, mon père
se précipita à se rendre au Viêt Bac pour rendre compte de la situation au président. Affolé, Hô Chi Minh
donna l’ordre d’arrêter cette campagne violente et adressa dans une lettre des excuses à la population.
A cette époque, il écoutait mon père mais lors de la réforme agraire il ne l’écoutait plus car il était persuadé
par des conseillers chinois et des théoriciens maoïstes. Comment pouvait-il l’écouter tandis que le
Nhân
dân[13] était tous les jours débordé de nouvelles sur les succès grandioses de la révolution qui faisait
trembler la terre entière.
C’est une pure bagatelle quand certains, pour le défendre, disaient qu’au fond, Hô Chi Minh s’opposait à
l’option de la réforme agraire, qu’il était irrité par le fait qu’elle débuta par l’assassinat d’une femme. Un ordre
venant de lui aurait pu sauver non seulement la malheureuse Nguyên Thi Nam
[14] mais des milliers d’autres
injustement liquidés pendant la réforme agraire et la restructuration du Parti, accomplie collégialement par
Lê Van Luong. Hô Chi Minh n’a pas sauvé Nguyên Thi Nam, ni personne d’autres jusqu’à ce que les
erreurs se sont concentrées en un abcès. Ce fut seulement quand celui-ci éclata qu’il se réveilla.
Mais trop tard.
Secrétaire d’une troupe
[15] chargée de la réforme agraire durant ces jours de grisaille, et homme expérimenté
dans les activités de masse, mon père se rendit compte qu’elle était erronée. Elle s’éloignait du but qui
prônait « la terre au paysan » pour se transformer en un massacre pur et simple, une sorte de folie
meurtrière à l’amok. Dans sa vie révolutionnaire, il voyageait énormément, il avait beaucoup de contacts,
il connaissait son pays et son peuple. Il ne croyait pas à la conclusion des maîtres chinois affirmant que
les paysans riches étaient tous des propriétaires terriens contre-révolutionnaires qui s’opposaient à la
résistance. Ils croyaient, en revanche, au patriotisme de son peuple. Selon lui, c’étaient précisément les
paysans riches, les petits propriétaires qui furent les premiers acquis à la révolution parce qu’ils avaient
pris conscience de la nécessité de se libérer du sort de colonisés, tandis que les paysans pauvres, étant
misérables et illettrés, n’avaient pas les conditions d’entrer au contact avec les idées de la révolution. Les
paysans riches avaient beaucoup de mérites d’avoir nourri des cadres et des militaires quand le pouvoir
révolutionnaire était encore à l’état embryonnaire. Ce n’était pas la pauvreté qui réveilla la conscience
révolutionnaire.
Dans cette histoire on a complètement oublié ce qu’ont dit les marxistes : « La plus haute conscience chez
les travailleurs est la conscience syndicale ».
On bâtit la théorie sur des duperies : les riches qu’on appelait les généreux donateurs dont on avait besoin
des aides n’étaient que des « alliés passagers », d’après la terminologie officielle utilisée dans les cours
de formation de cadres. Maintenant que la révolution pouvait se passer d’eux, ils devinrent des ennemis.
Laissant encore une fois de côté son travail, mon père retourna à Hanoi pour voir Hô Chi Minh. Malgré sa
crise de foie, il s’aida de son bâton pour escalader les marches de la résidence présidentielle, et lui dit :
- Le sang du peuple et celui des camarades ont coulé. Comment pourriez-vous rester tranquille comme ça ?
Nous ne sommes certes pas instruits, nous sommes bêtes, c’est pourquoi nous devons travailler en
apprenant à construire un régime. C’est parce que nous sommes bêtes que nous avons commis des
erreurs mais nous n’avons pas le droit de tremper nos mains dans le sang
[16].
Après les égarements de la réforme agraire, Hô Chi Minh et ses lieutenants étaient obsédés par les
accusations qu’on portait contre eux. C’est pourquoi dès que quelqu’un l’évoquait cela les irritait. Pendant
la réforme agraire Truong Chinh se plaigna du mécontentement de mon père à l’égard du Parti, du fait qu’il
devint le porte-parole des capitalistes et des propriétaires terriens. Mon père était vraiment aigri, mécontent
que le Parti avait pu faire des choses qu’il jugeait pas nobles, immorales. Mécontent de voir la révolution à
laquelle il participait finit par créer une société injuste.
Il était en désaccord avec la façon dont le Parti régla l’affaire Nhân Van-Giai Phâm, avec la répression et
l’humiliation dont étaient victimes nombre d’intellectuels et artistes qui étaient en réalité des patriotes.
Attristé, il se confia à un ami : « A force de traiter les intellectuels de la sorte, ils finiront par être réactionnaires
même s’ils ne le sont pas au départ ».
Mon père aimait bien Nguyên Huu Dang, son camarade depuis l’époque où il était dans la clandestinité. A
mon retour de l’URSS, quand je lui posai des questions sur l’affaire Nhân Van-Giai Phâm, mon père me
répondit : « C’est un coup monté. Nguyên Huu Dang n’avait pas l’intention de s’opposer au Parti. Il voulait
simplement que les choses changent en bien. Ce n’est pas chic de l’accuser injustement. » Etant présent
ce jour, Dang Kim Giang dit : « Certes, le Parti a commis des erreurs, mais quand la situation est difficile il
vaudrait mieux éviter de la compliquer. Cependant, le Parti s’y prend très mal dans cette affaire. » Il respecta
la dignité de Phan Khôi
[17] : « C’est un lettré dans le vrai sens du terme, qui ne sait pas s’abaisser. C’est
quelqu’un avec qui on peut discuter, la lui boucler puis le calomnier relève de la lâcheté. » A cette époque,
et mon père et Dang Kim Giang, plus généralement les communistes de la vieille la génération n’échappaient
pas encore à la façon de penser circonscrite au prétendu sens de l’organisation. Malgré leur désaccord
avec le Parti, ils se contentaient de se plaindre entre eux. Si d’après eux, l’action du Parti n’était pas trop
néfaste, ni trop grave, leur tristesse passerait car ils respectaient la décision prise par les dirigeants.
Mais la politique du Parti, depuis le couronnement de Lê Duân, mécontentait de plus en plus mon père.
Il s’éloignait chaque jour un peu plus de l’organisation. Il désapprouva le fait d’écarter les intellectuels
de l’appareil d'État pour les remplacer par des partisans incapables et mal instruits. Il se sentit responsable.
Redevable à ceux qu’ils avaient entraînés à participer au gouvernement provisoire en 1945-1946, tels que
Nguyên Van Tô, Bùi Bang Doàn, Phan Kê Toai, Hoàng Minh Giam, Dang Phuc Thông, Nghiêm Xuân Yêm,
Nguyên Van Huyên, Hô Dac Di, Trân Dang Khoa, Vu Dinh Tung ...
[18]. Plus un régime partisan est fort plus
les droits démocratiques deviennent fragiles et estropiés.
Mon père n’approuva pas non plus l’option guerre comme l’unique solution à la réunification du pays.
Il pensait qu’à partir du milieu des années 50, la situation internationale présenta des signes favorables
aux règlements des conflits sans avoir à passer par les armes. La guerre fratricide entre le Nord et le
Sud apportait son lot de malheurs à chaque famille. Il aurait fallu chercher des solutions pacifiques au lieu
de les écarter d’emblée. Ne pas chercher est une erreur, chercher sans rien trouver est une autre histoire.
A propos de la réunification du pays, l’anecdote suivante reste encore peu connue. Après les succès de la
révolution d’août, Ngô Dinh Diêm
[19] fut arrêté puis détenu non pas à Hoa Lo mais à la Résidence du
protectorat même. D’après Chu Dinh Xuong, ancien directeur de la Sûreté de Hanoi, c’était Hô Chi Minh
qui décida de détenir Ngô Dinh Diêm à cet endroit. Quant à savoir pourquoi il prit une telle décision,
Chu Dinh Duong l’ignorait. C’est sans doute à cause des liens de sa famille avec le mandarinat de Huê
dans le passé que Hô Chi Minh s’inquiétait du sort de Ngô Dinh Diêm. Il ne voulait pas que cet anti-communiste
notoire tombât dans les mains d’un camarade nerveux. Mon père gardait la clef de la pièce dans laquelle
celui-ci était détenu. A l’heure des repas, un garde lui apportait à manger avant de rendre la clef à mon père.
Un jour Hô Chi Minh lui dit : « Mon cher Huynh, je compte libérer Ngô Dinh Diêm. Mieux vaut faire du
bien que du mal. » Mon père allait discuter avec Lê Gian
[20].
Les deux pensaient que pour prévenir ses
activités contre-révolutionnaires, le mieux à faire c’était de le laisser en liberté surveillée dans le Viet Bac,
de le laisser vivre comme un simple citoyen avec la seule restriction dans les déplacements.
Hô Chi Minh ne tenait pas compte de cette idée quelque peu protestataire. Comme il avait décidé de le
libérer il y passa outre :
- Vous n’êtes pas de Huê, vous ne pouvez pas ainsi connaître l’expression locale « Faire déporter le roi
sans Kha, faire retourner la tombe sans Bài »
[21], qui fait allusion au père de Diêm. Par respect pour le
père on libère le fils, une bonne chose à faire. Ne soyez pas étroits d’esprit.
Beaucoup observaient qu’en tant que président de la République du Sud-Vietnam, Ngô Dinh Diêm n’avait
jamais tenu de propos indélicats à l’égard du président Hô. L’une des raisons, à mon avis, était sans doute
sa reconnaissance envers celui qui l’avait sauvé, ce qui n’est pas difficile à comprendre.
Quand éclata fiévreusement la lutte entre deux tendances, Hô Chi Minh se retrouva dans une situation
difficile à trancher. Etant peu résolu dans les luttes internes, il préférait vivre dans la bonne entente, discuter
pour trouver ensemble une solution s’il y avait désaccords, régler les problèmes en famille, éviter des
insultes et surtout des coups. C’était lui-même et personne d’autres parmi les dirigeants qui avait écrit :
« Quand les autres ont parlé de luttes de classes on a aussi lancé le slogan de la lutte des classes sans
étudier la situation du pays pour faire correctement. »
[22]. Il était dégoûté par le spectacle de telle lutte
qu’il avait vu se dérouler en URSS après la mort de Lénine.
Ceux qui le rencontraient racontèrent qu’il était très inquiet en voyant un pays voisin livré aux troubles, il ne
voulait pas que le Vietnam fût entraîné dans une bataille théorique qui non seulement n’aurait rien donné
de bon mais qui aurait engendré des situations meurtrières.
Après l’avoir vu, le général Lê Liêm me raconta :
- Il était très affecté par les propos injurieux tenus de part et d’autre dans le conflit opposant la Chine à l’URSS.
Il m’a dit : « Comment le bloc socialiste pourrait-il garder la tête haute face aux pays sous-développés
qui comptent sur lui ? Qui va vous écouter quand le torchon brûle dans votre propre famille ? »
Hô Chi Minh était encore plus affligé quand les dirigeants se penchèrent du côté de Pékin. Il connaissait
Mao Zédong, ses ambitions hégémoniques et ses caractères de maître absolu. Avec sa stratagème
de « s’asseoir en haut de la montagne pour contempler le combat de tigres » Mao poussait pendant
des années l’URSS à affronter les États-Unis, et maintenant il incita le Vietnam à s’engager dans la bataille.
Il était tout à fait disposé à sacrifier jusqu’au dernier Vietnamien dans ce combat contre le tigre de papier
[23],
ce que Hô Chi Minh savait très bien plus que d’autres. Je lisais maintes fois des accusations portées contre
lui pour la partition du pays. C’est inexact qu’il en était l’auteur. La partition du pays ne se trouvait pas dans
les bagages de la Délégation du Vietnam démocratique partant pour la Conférence de Genève sur
l’Indochine. Hô Chi Minh n’avait jamais eu cette idée. La partition comme solution de paix fut décidée
par les grandes puissances, en premier lieu par la Chine puis par l’URSS et par les États-Unis. Soumis
à de fortes pressions, il céda. Quoi qu’il en fût, il était temps d’arrêter la guerre qui n’avait que trop duré.
C’était le point de vue de mon père qui était proche de lui à cette époque historique. Toujours d’après
mon père, Hô Chi Minh n’avait vraiment pas préconisé la violence comme moyen de réunifier le pays. Il
croyait sincèrement qu’aux termes de deux ans de division provisoire, il y aurait eu les élections générales
et la victoire serait nécessairement allée aux communistes. Mon père considérait que ce qui est le plus
important quand on juge les autres c’est de rester juste.
Après l’arrestation et la détention de communistes qui ne partageaient pas le point de vue officiel, beaucoup
accusaient Hô Chi Minh d’en être le responsable, voire lui attribuaient des qualificatifs qui lui étaient
complètement étrangers comme belliqueux ou sanguinaire. Mon père lui en voulait mais il n’était pas
d’accord avec ces accusations. Il raconta que pendant leur séjour dans la forêt du Viet Bac, Hô Chi Minh
devenait tendu et fumait sans arrêt avant chaque campagne militaire, il lui arrivait de passer la nuit blanche.
Il savait mieux que quiconque que chaque victoire était inextricable du sang versé par des combattants e
t des compatriotes. Il était sans doute celui qui, de sa génération de communistes, aimait le moins la guerre.
Lê Duân était complètement différent. Il grandit grâce à la guerre, sans elle il n’aurait pas été Lê Duân. Il
n’hésitait pas à vilipender que Hô n’osait pas opter pour la violence pour libérer le Sud et réunifier le pays.
« Vous êtes encore indécis, alors que j’ai tout préparé avant de quitter le Sud. Pour moi il n’y a que la
bagarre qui vaille, il faut se bagarrer jusqu’à la victoire finale. »
Mon père considéra comme une grave erreur le fait que les dirigeants du Parti invitèrent l’Armée de libération
chinoise à s’établir au Vietnam. En tant que reporter je me rendais plusieurs fois à la région autonome de
Viet Bac et à la région minière. A mon retour je lui racontais ce que j’avais vu. En apprenant que la population
des montagnes du Viet Bac n’avait plus le droit d’aller chercher du bois sur son propre territoire, devenu
des camps militaires chinois, que les mineurs qui faisaient des raccourcis en mordant sur la zone confiée
à l’Armée chinoise
[24] étaient pourchassés par ses militaires, mon père avait des larmes aux yeux.
Devant une éventuelle dépendance du pays, il s’inquiétait. Il partait convaincre les dirigeants, anciens
camarades à l’époque de la clandestinité, leur demandant d’être lucides face l’expansionnisme et
l’hégémonie du voisin qui avait déjà occupé le pays dans le passé. Ils l’écoutèrent en le regardant de
haut avec un vague sourire. Les affaires d'État, ils s’en chargèrent, ils n’avaient pas besoin de lui.
Il était entièrement en désaccord avec le fait que Nguyên Chi Thanh, le vrai détenteur du pouvoir militaire
de cette époque, passa une commande au Service de plans chinois pour l’impression des cartes d’état-major
à l’échelle 1/1000, celles qu’utilisaient les artilleurs. « C’est un secret d'État. Aucun pays ne met à la
disposition d’un autre ce genre de document. Qu’est-ce qu’il est bête ! Qu’est-ce qu’il peut être nul ! »,
cria mon père dans sa colère.
Il protestait aussi contre d’autres politiques qui mécontentaient le peuple, contre le fait de distinguer les
membres du parti du reste de la population dans l’attribution des responsabilités. Les dirigeants ne l’écoutaient
pas, ils ne voulaient pas entendre des critiques. Mon père se résignait à faire des confidences aux anciens
camarades retraités qui venaient le voir. Il pensait que si tout le monde s’était mis à dissuader le pouvoir
central de faire des choses à proscrire, celui-ci aurait consenti. Il se croyait lucide avec ses idées visant
à protéger la révolution. Il ne considérait pas que le fait d’un communiste qui exprimait ses idées sur les
problèmes du pays était un crime.
Dans cette histoire mon père se trompa d’époque. 1964 ne ressemblait en rien à 1946. Le pays, les
autorités n’appartenaient plus collectivement à tout le monde.
Non ! Quelqu’un comme mon père ne pouvait pas être lâche. Il y avait certainement une raison qui le
poussa à agir contre sa propre nature.
En fait quand il écrit : « J’ai commis des fautes à l’égard du Parti » c’était pour souligner qu’il n’avait
commis de fautes qu’à l’égard du Parti. Il n’a commis de fautes ni à l’égard du peuple, ni à l’égard de la patrie.
Je pensais qu’il fallait décoder sa lettre de cette façon. Quant à sa phrase « J’ai commis de graves erreurs
qui pourraient nuire au Parti », il fallait comprendre que cela ne pourrait nuire qu’au Parti. Ceux qui détenaient
le pouvoir le firent arrêter parce qu’il avait commis des fautes à leurs égards. A travers son aveu, il voulait
peut-être déjouer Lê Duc Tho pour que celui-ci le livrât au jugement. A ce moment-là il pourrait déclarer ses
vrais opinions, et dire à la population ce qu’il avait l’intention de dire. Hélas, ce n’étaient que des espoirs
sans lendemain, des naïvetés de celui qui était coupé du monde extérieur. Jamais Lê Duân et Lê Duc Tho
n’auraient permis aux communistes de dire autre chose que de répéter les dogmes qui leur avaient été
prodigués. Mon père savait bien que dans cette affaire montée de toute pièce, Lê Duc Tho tenait le rôle
principal. Quant à son attitude, mon père la connaissait depuis leur détention à Son La. Pour se faire valoir
et rabaisser la crédibilité des vétérans de la révolution, Tho rusait plusieurs fois. Le fait qu’il incita des
camarades enthousiasmés certes, mais excessifs à forcer Trân Huy Liêu, ancien membre du VNQDD
[25],
à condamner son ancien parti d’avoir agi à la légère dans le soulèvement de Yên Bai, en fut un exemple.
Trân Huy Liêu résolut le problème comme un lettré opiniâtre. Fier de lui, il refusa catégoriquement de lire
la condamnation en ces termes, de se mettre à la place d’une personne extérieure pour accuser ses
anciens camarades qui avaient payé de leur vie. Il me dit que le sacrifice des membres du VNQDD
dans ce soulèvement qui se termina par un échec, avait pour valeur de réveiller le patriotisme de la
population. Ce n’était pas sans connaître l’issue tragique possible de cette insurrection que Nguyên Thai Hoc
[26] dit une phrase devenue célèbre : « Cette fois, si nous ne remportons pas le succès, nous remporterons
néanmoins la dignité d’homme ».
Etant secrétaire dans la prison de Son La, mon père, qui était au courant des fréquentations suspectes de
Tho avec le résident Cousso
[27], mis à part son caractère, avait peut-être des doutes sur ces liaisons. A
cette époque, Lê Duc Tho qui fut détaché chez Cousso, lui rendait de menus services. A la même époque,
un certain nombre de secrets des dirigeants détenus furent dévoilés. Le général Dang Kim Giang partageait
avec mon père ces doutes. Dans une conversation entre eux deux, j’entendis dire celui-ci : « Si Tô Hiêu
[28]
était encore vivant, il ne se permettrait pas de se comporter ainsi. »
Ils se turent pourtant tous les deux. Ils avaient raison de se taire avec un Lê Duc Tho qui avait le pouvoir
de vie et de mort. Même si celui-ci était son co-détenu à Son La, mon père ne l’a jamais considéré comme
un ami, Dang Kim Giang non plus. Aux yeux de mon père, Lê Duc Tho était un parvenu (un pauvre type
qui cherche à gravir les échelles sociales).
Mon père voulait clairement me rappeler de rester sur mes gardes pour ne pas tomber dans un coup monté.
Il insista qu’il ne lui avait manqué que le sens de l’organisation. En ce qui me concernait, il me conseilla de
prendre en compte des circonstances, de m’abaisser pour reconnaître mes défauts. Reconnaître les
défauts, les erreurs et non pas les crimes. Il me conseilla avec insistance de ne pas être opiniâtre dans ce
tournant de la révolution. La modestie de ses termes ne servaient qu’à atténuer ses idées principales afin
que les flics ne parviennent pas à deviner ses recommandations.
Dans l’impossibilité de casser mon père en le forçant à reconnaître ses quelconques crimes, ce dont
Lê Duân et Lê Duc Tho avaient besoin pour éliminer ceux qu’ils considéraient comme adversaires, il n’était
pas exclu qu’ils l’aient obligé à m’écrire dans l’intention de faire pression sur moi, ou peut-être mieux encore,
de m’exciter à faire un retour sur moi-même puis à accepter de déclarer certaine chose. Si j’avais accepté
on aurait servi de ma déclaration pour faire pression sur mon père, sur le général Dang Kim Giang et sur
d’autres amis.
- Vous n’avez pas à vous inquiéter. L’Hôpital Viêt-Xô
[29] nous a transmis sa feuille de soins. La surveillance
de l’état de sa santé relève toujours de la Commission de protection de la santé du comité central. Quel est
l’établissement dans notre pays qui ait à sa disposition plus de médicaments que cette Commission ?
Quoi qu’on en dise, votre père demeure un vétéran de la révolution, il bénéficie toujours des attributions
spéciales, on le soigne le mieux possible. Il a dit qu’il n’était pas très bien les premiers jours, mais
maintenant tout devient normal.
- Est-ce que j’ai l’autorisation d’écrire à mon père ?
- Je pense que oui.
- Puis-je garder cette lettre ?
- Non. Quand vous aurez fini de lire vous me la redonnerez. Si vous étiez seul je vous l’autoriserais.
Voulez-vous la relire ?
Ils gardaient toujours cette affaire secrète. Pourquoi donc ?
- Je répète : vous n’êtes pas autorisé à raconter à votre camarade de chambre cette affaire vous
concernant. C’est un secret du Parti !
En fait, l’endroit où j’étais fut appelé chambre et non cellule.
Je m’efforçais sans arriver à comprendre ce que Huynh Ngu venait de dire. Tout le monde était au
courant des arrestations et pourtant c’était un secret du Parti, c’était ridicule !
- Ni aux surveillants, vous n’avez le droit d’en parler. Vous comprenez ce que c’est que de garder un secret ?
- Je le sais.
La cigarette me donna le mal de mer. Mon front suintait de transpiration froide. Le collaborateur au front
dégarni a fini de préparer le thé. Il n’égalait pas Huynh Ngu dans cet art. Son thé était trop claire. Je bus
deux tasses de suite.
- Les vétérans de la révolution comme votre père sont comme ça, me rassure Huynh Ngu. Quand ils n’ont
pas encore saisi la vérité ils sont très têtus, très opiniâtres, et quand le Parti les réveille ils se ressaisissent
pour faire l’autocritique à la bolchevisme, c’est très respectable. Nous autres, plus jeunes nous devons
apprendre d’eux beaucoup de choses. Vous pensez que nous ne savons pas que les Français l’ont interrogé
durant plusieurs semaines, l’ont battu, l’ont torturé avec de l’électricité, l’ont transformé en avion, en
submersible
[30], lui ont fait subir bien d’autres supplices encore sans arriver à lui faire parler ? Nous savons
tout cela. Et pourtant, une fois ici, il suffit que le Parti le questionne pour qu'il déclare tout sans rien cacher.
Qu’est-ce que mon père aurait pu faire pour tout déclarer à ces types ? Je me souvenais que quand Hoàng
Minh Chinh avait été arrêté, mon père avait dit à Lê Gian : « Pourquoi ont-ils arrêté Chinh ? Qu’est-ce qu’il a fait ? »
Pour seule réponse Lê Gian émit un sourire triste. En quittant mon père il lui dit : « Une nouvelle époque
commence : celle où l’on s'assoit sur l’opinion publique et on chie sur la loi. C’est peut-être pas très rassurant
pour toi et moi. »
Je restais interdit. Devant moi apparut un matin lointain, ma mère et moi étions venus ici, dans cette prison
même. A cette époque j’étais encore très petit au point qu’elle pouvait me soulever puis m’introduire dans
le guichet par lequel le prisonnier reçoit ses paquets, pour que mon père m’embrasse. Ses baisers hâtifs
sur mon front, sur mes joues, ses moustaches qui me piquaient, je me rappelle encore aujourd’hui.
Mon père fut arrêté à la gare de Hanoi, juste après avoir accompagné Truong Chinh en direction de Phuc Y
ên, il fuyait la terreur. C’était l’époque où s’annonça en France le déclin du Front populaire.
Le pouvoir colonial en profitait pour réprimer avec vigueur les forces révolutionnaires qui venaient d’apparaître
au grand jour.
C’était l’époque la plus dure pour les communistes. Mon père s’absentait souvent de la maison. Il rentrait de
but en blanc pour repartir aussitôt dans la nuit. Dans les rêves je le voyais murmurer à ma mère.
A propos Truong Chinh que mon père avait accompagné dans sa fuite, j’apprenais des détails lors des
conversations intimes entre Xuân Thuy et mon père, au retour de la paix :
- Comme tu le savais, Thân
[31] était un bon à rien, raconta mon père. Il s’agitait, le visage pâli comme s’il était
poursuivi par des flics. Il insistait lourdement pour que je lui trouve une planque. Il m’a dit qu’il t’avait cherché
en vain.
- Tombé sur Ha Ba Cang à Phu Ly, il lui a demandé de lui trouver un endroit. Celui-ci a dit oui-oui puis a disparu.
- Ce bon à rien de Thân était un bibliomane. Il n’a jamais participé aux activités de masse. Quand il était tombé
dans le pétrin, il s’affolait au point de faire dans ses pantalons. Le voyant injurier Cang, ça m’a fait rire. C’était
moi-même qui avait accompagné Cang dans sa planque.
- Cang avait sa base mais c’était foutu. Il avait encore une autre mais pas sûre. J’ai dit à Thân de bien se
déguiser à ma rencontre, de n’emporter aucun bouquin, les flics étaient partout.
- Je l’ai accompagné chez Vân
[32], te souviens-tu de Vân ? Il avait à cette époque une petite ferme du côté
de Phuc Yên. A mon retour à la gare de Hanoi, on m’a arrêté. Après m’avoir torturé par l’électricité, transformé
en avion, en submersible pendant un mois au commissariat on m’a transféré à Hoa Lo. Ils m’ont posé juste
deux questions : « Où est Dang Xuân Khu
[33] ? Où est Ha Ba Cang ? » Et toi, tu as été pris où ?
J’aimais bien l’amitié solide chez les militants communistes. En partie à cause de ça que j’aimais le
communisme. Dans notre petit appartement familial au 27 bis puis au 65 de la rue Nhà Ruou, des
camarades de mes parents venaient passer des mois entiers. Ils dormaient pêle-mêle sur le plancher dallé,
prenaient pour oreiller des piles de journaux ou des balais en paille puis ronflaient à tout rompre.
A leur réveil, ils poursuivaient leurs discussions jusqu’à ce qu’ils n’aient plus de voix sans jamais se disputer.
Les uns partaient les autres venaient, ils se ressemblaient tous par leur ouverture d’esprit et par leur liens
fraternels. Ma mère était contente de les servir de bons repas, sans prétention mais remplis de gaieté.
Combien ils s’aimaient ! Je me rappelle des journées de 1939 où les Français faisaient régner la terreur.
Une nuit, des chuchotements me réveillèrent. Quand j’ouvris les yeux je vis l’oncle Ba Lâm debout à mon
chevet. Je fis un bond pour l’embrasser. C’était lui qui avait le plus la cote avec les enfants.
Grand et maladroit, il ne savait pas éplucher les patates ou les cannes à sucre à notre façon mais à la
française, c’est-à-dire à l’envers. Mais il participait passionnément à nos jeux d’enfants comme un grand enfant.
Il rentra cette nuit juste pour remettre de l’argent à ma mère afin qu’elle pût payer la blanchisserie, il avait
peur qu’elle n’en eût plus, alors qu’elle avait peur qu’on l’arrêtât, elle le pressa de repartir aussitôt.
Aujourd’hui se rappelant ces jours lointains elle doit se sentir très mal. Elle enseignait et travaillait comme
vendeuse dans le magasin « Palais de soie », rue Tràng Tiên
[34], dont le propriétaire était un Indien nommé
Keravah. C’était un bon patron. Il savait pourquoi mon père avait été arrêté, il s’en doutait que mes parents
étaient des révolutionnaires, c’est pourquoi il accordait à ma mère un respect particulier. Elle n’était qu’une
salariée mais il ne l’a jamais contrainte avec des horaires pour lui laisser le temps de s’occuper d’autres
choses : « Je sais, je sais, vous avez autres choses plus importantes à faire. Rentrez plus tôt, ce n’est rien.
Bonjour à votre mari et bonne chance. »
Ses économies, elle donnait à mon père et à ses camarades. Quand l'Étoile rouge Nguyên Luong Bang
nous rejoignit après s’être évadé de la prison de Son La, elle l’alimentait avec des plats fortifiants comme
du pigeon migeoté aux grains de lotus, des pieds de porc aux produits pharmaceutiques traditionnels,
plats prestigieux dont ses propres enfants n’avaient eu aucune idée. Parmi les plats quotidiens de la famille
à cette époque, je me souvenais très longtemps du liseron d’eau trempé dans du résidu de distillation d’alcool.
Le liseron d’eau cru se mange généralement émincé, mais comme Tuong, notre servante, avait trop à faire
elle se contentait de le couper en deux ou en trois puis de le taper dans la main pour l’écraser. Quant au
résidu de distillation d’alcool, on nous en donnait. Ça suintait toute la journée aux bouches d’évacuation
de l’usine qui inondait la rue de son odeur âcre et aigre. Des charrettes stationnées en désordre à côté de
celles-ci attendaient leur livraison mensuelle avant d’aller à la périphérie de la ville pour revendre aux éleveurs
de cochons. Il suffisait de tendre son bol pour que quelqu’un vous le remplît.
Après la révolution, je revoyais peu tous ces petits et grands tontons. Ceux qui revenaient de temps en
temps étaient Trân Huy Liêu, Lê Gian, Bùi Lâm, Khuât Duy Tiên, Nguyên Luong Bang, Dang Xuân Thiêu,
Dang Viêt Châu. Ma mère m’expliqua qu’ils étaient pris, mais elle ne semblait pas croire à ses propres paroles.
Après la résistance contre les Français, je revoyais encore moins les tontons révolutionnaires d’autrefois.
Dans la nouvelle hiérarchie, mon père occupait un rang inférieur à celui de ses amis du temps passé et
nous ne voyions plus que leurs photos dans les journaux, leur nom sur la couverture des ouvrages appelés
à devenir des classiques.
- Que pensez-vous de la lettre de votre père ? - me demanda Huynh Ngu.
Il ne faut pas capituler trop facilement, ce serait suspect. Après un silence je dis d’une voix basse et lasse :
- Pouvons-nous terminer notre séance de travail là ?
- Vous êtes fatigué ?
- Non. J’aimerais être seul.
Huynh Ngu était contrarié mais il satisfit ma demande.
- Entendu, je vous laisse rentrer, dit-il d’une voix attendrie. Réfléchissez bien et on se reverra. J’espère
que vous avez compris.
En me raccompagnant, Hach me dit d’attendre dans la petite cour conduisant aux cellules. Sans se presser,
il entra dans la salle de garde pour prendre un tabouret puis il me dit de m’asseoir. Ayant pris ses outils et
sans me couvrir de tissu il commença à me couper les cheveux. Les séances de photos, d’empreintes
digitales puis cette coupe de cheveux me renforçaient l’idée que je devrais rester en prison pour longtemps.
Hach coupait mal, c’était un vrai novice, sa tondeuse qui m’arrachait les cheveux me faisait mal. Insupportable.
Mes moustaches et ma barbe ont poussé au point qu’il devait les couper avec sa tondeuse et non avec les
ciseaux. L’extrémité de la tondeuse s’engageait dans le philtrum, heurtait fortement la pointe du nez si bien
que je devais pencher complètement ma tête en arrière et m’étirer pour éviter qu’elle me blesse. Il ne savait
pas que j’avais mal. Il était au contraire ravi, il sifflait. Ç’aurait été beaucoup mieux avec les ciseaux puis avec
un rasoir comme on faisait chez le coiffeur. Mais il n’avait pas l’intention de me raser la figure.
Je restais planté là, libre à lui de faire ce qu’il voulait de ma tête. En voyant tomber par-ci par-là des touffes
de cheveux parmi lesquels je distinguais pas mal de blancs. Était-ce donc vrai qu’après une nuit blanche
Ngu Tu Tu avait les cheveux tout blancs ? Combien de nuits blanches ai-je passées ? En rectifiant la position
de ma nuque, Hach se confia :
- Il me reste juste deux ans avant ma retraite, vous savez ! C’est quand on regarde le passé qu’on se rend
compte que le temps passe vite. Mes supérieurs ont accepté.
- Mais, vous êtes encore jeune.
- Comment ça jeune, avec mes 53 ans .
- C’est encore tôt pour la retraite. Encore sept ans.
- Moi c’est différent. Ce qui compte ce sont ses propres contributions. Ce n’est pas la retraite normale,
ni la pré-retraite, mais une retraite de mi-saison. Rentrent en ligne de compte mes expériences qui s’ajoutent
à mon handicap.
- Vous étiez dans quelle division avant ?
- Moi ? J’étais dans l’armée locale puis muté dans la 320. Vous aussi vous étiez dans l’armée ?
- Oui.
- Une fois à la retraite on doit aussi chercher à s’en sortir. Les indemnités de retraite, vous le savez, ne sont
pas suffisantes. Le Parti a raison de nous apprendre à voler de nos propres ailes, à être autonomes, sans
compter ni sur l'État ni sur le Parti. J’ai bien calculé. Une fois le carnet de retraite dans la main, j’ouvrirai une
boutique de coiffure, juste sur le chemin du marché de mon village, c’est un endroit idéal. Pourvu que
quelqu’un d’autre ne s’y installe pas avant. Ce sera foutu.
- Encore deux ans, c’est long.
- J’ai déjà tâté le terrain, le Parti, le comité populaire sont d’accord pour me réserver cette place. Le secrétaire
du Parti est un cousin, ce qui arrange bien des choses...
- Alors c’est très bien.
- Si je vous coupe les cheveux c’est juste pour m’entraîner, pour avoir la main. Je ne suis pas chargé de
couper les cheveux aux prisonniers, c’est la tâche de quelqu’un d’autre.
Ce grand seigneur des cellules était en fin de compte un camarade de l’armée. Il était en train de terminer
ses derniers jours révolutionnaires avant de retourner à la vie de simple ordinaire dont le plus grand espoir
était d’ouvrir une boutique de coiffure qui aurait beaucoup de clients.
J’aurais dû être comme lui, vivre une vie ordinaire du peuple avec ses petits rêves.
Illustration :
1. La Gare de Hanoi,
Ảnh Võ an Ninh, édité par l'Agence vietnamienne d'information, Hanoi, 1991, p. 29
2. Une rue de Hanoi,
Ảnh Võ an Ninh, édité par l'Agence vietnamienne d'information, Hanoi, 1991, p. 34
Notes :
[1].
On dirait que la manie dans l’usage des mots ronflants est caractéristique des pays communistes après la
consolidation du pouvoir. Au Vietnam les journalistes qui les emploient sont considérés comme des gens de
talents.
[2].
Plus tard mon père m’a reproché de ne pas avoir été lucide, il aurait fallu tenir compte des circonstances.
D’après lui, n’étant pas membre du Parti je n’avais pas eu besoin de tenir tête au tandem Duân-Tho. Si je me
serais abaissé un petit peu on ne m’aurait pas détenu trois ans de plus qui m’auraient servi à des choses plus
utiles. En outre, mon obstination aurait pu me coûter la vie. « Tu dois être en vie pour raconter plus tard cette
histoire à tes concitoyens, m’a-t-il dit. Un cadavre, même celui d’un héros n’est qu’un cadavre. »
[3].
Le service de renseignement de l’Armée populaire du Vietnam, appelé encore Bureau de renseignement militaire,
l’actuel Service général 2.
[4].
Après la victoire de la révolution ma mère n’a revu parmi les membres de son organisation que madame
Dô Dinh Thiên. Elle a raconté que celle-ci, étant pourchassée par la Sûreté s’était laissée glisser sur une
corde pour descendre d’un haut étage avant de lui échapper. Cette dame gardait encore les blessures de
ses mains.
[5].
Pham Tat Dac (1910-1935), ancien élève du collège du protectorat Albert Sarraut ayant participé aux
funérailles de Phan Chu Trinh, puis écrit le fameux poème, édité par les Éditions Thanh Niên. Poème qui a
été reproduit puis transmis dans un large public et que beaucoup connaissaient par cœur. C’est pour quoi il fut
arrêté en 1926 par le pouvoir colonial avant d’être libéré en 1930.
[6].
Il y avait parmi les membres de ces organisations une amie de ma mère, Madame Dô Dinh Thiên.
La grosse part de la somme dont disposait le Parti pour préparer la révolution d’août, provenait de la
contribution de deux familles bourgeoises Dô Dinh Thiên et Trinh Van Bô.
[7].
Ma mère voulait évoquer l’affaire de contre-espionnage H122 éclatée pendant la résistance contre les
Français. Des forces résistantes sont tombées dans un piège puis arrêtées et emprisonnées, des cadres
militaires surtout. Hoàng Quôc Viêt en charge de cette affaire a fait mourir innocemment beaucoup de
personnes.
[8].
Lors du couronnement de Chang Huang (?) de XXX, il organisa une réception en l’honneur des ses fidèles
qui avaient partagé avec lui les épreuves. Pendant que se déroulait le festin un grand vent éteignit toutes les
lumières de bougies. Dans le clair-obscur l’un d’eux tripota grossièrement la poitrine de la reine qui parvint à
lui enlever le cordon de chapeau puis elle rapporta les faits au roi, lequel demanda à tous ses invités
d’enlever le cordons de leur chapeau. L’assemblée ignorait ainsi le fautif. Plus tard Chang Huang avait un
serviteur qui le suivait partout dans les moments difficiles, ce fut le petit mandarin qui avait commis cette
grossièreté.
[9].
Seulement neuf ans plus tard quand j’ai revu mon père que j’ai appris la venue de Lê Duc Tho et de Trân
Quôc Hoàn en personne dans sa cellule pour l’amadouer. Ils lui avaient dit que s’il les écoutait et arrêtait la
grève de la faim qui dura depuis 10 jours ils ne toucheraient pas à sa famille. Mais par la suite Lê duc Tho a
donné l’ordre de m’arrêter sans que mon père le sût.
[10].
A cette époque l’affaire des révisionnistes antiparti commença. Les enfants de ceux qui ont été incarcérés
ne pouvaient pas se présenter au concours d’entrée à l’université ou au mieux on les acceptait dans celles
de moindre importance pour des études forestières et d’agriculture, ou de bibliothéconomie. Jusqu’en 1981,
ma fille aînée, avec les bonnes notes dans ses études supérieures, répondait aux critères de sélection pour
un stage à l’étranger, mais elle n’a pas été retenue car son père avait une tâche noire dans son
curriculum vitæ
[11].
Pseudonyme de Lê Duc Tho.
[12].
Un personnage important de la révolution vietnamienne. Né en 1905, il arriva en Thaïlande en 1928 et y
fonda avec Hô Chi Minh le Parti communiste thaïlandais dont les membres étaient essentiellement des
Chinois et Vietnamiens. Ils créèrent tous les deux le journal Tiêng chuông (Le son de cloche) à Nakhorn
Phanom. Hoàng Van Hoan se rendit ensuite en Chine et y exerçait des activités pendant plusieurs années.
C’est un homme stoïque, intègre qui refuse tout privilège. En dépit des désaccords sur le mouvement
communiste international, mon père l’appréciait et le respectait. Il fut écarté du bureau politique et du
comité central lors du IVe congrès, puis condamné à mort par contumace, s’étant retiré en Chine comme
réfugié politique. Contrairement à son père, Hoàng Nhât Tân qui ne partageait pas ses vues maoïstes fut
accusé d’avoir des opinions révisionnistes. Quand éclata la lutte de deux tendances, Truong Chinh dit à
Hoàng Van Hoan : « Faites attention, votre fils est très influencé par le révisionnisme ! » et Hoàng Nhât Tân
fut déporté dans un camp de travail à Thai Nguyên. Heureusement qu’il ne fut pas arrêté dans l’affaire des
révisionnistes antiparti.
[13].
L’organe du Parti.
[14].
Madame Nguyên Thi Nam soutenait activement la résistance. Elle habitait le district de Dông Hy dans la
province de Thai Nguyên. Les cadres supérieurs tels que Truong Chinh, Pham Van Dông, Nguyên Duy Trinh,
Hoàng Quôc Viêt, Lê Gian, etc. passaient souvent par chez elle.
[15].
Sur le plan local, la réforme agraire est orchestrée par un dôi (brigade). Plusieurs dôi forment un doàn que
nous traduisons ici par troupe.
[16].
Cette anecdote m’a été racontée par Nguyên Van Hoan, vice-président du Tribunal suprême. Mon père arriva
quand il était en train de faire le point pour Hô chi Minh sur la situation des affaires judiciaires. Voyant mon
père en colère Hô Chi Minh lui dit : « Asseyez-vous, parlez tranquillement et je vous écoute. Pourquoi vous
mettez-vous dans une telle colère ? » Nguyên Van Hoan en conclut : « Autrefois il existait dans l’ancien
régime une fonction détenue par un mandarin chargé de calmer le roi. De nos jours, c’est fini. Tôt ou tard
votre père sera châtié. N.V. Hoan fut admis au Parti sur la présentation de Hô Chi Minh et Truong Chinh sur
celle de N.V. Hoan.
[17].
Homme de lettres et journaliste né en 1887 décédé en 1959, Phan Khôi fut réprimé dans l’affaire Nhân
Van-Giai Phâm. Malgré la qualité de ses œuvres on l’a envoyé aux oubliettes. Condamné en même temps
et pour les mêmes raisons que lui il y avait encore le critique littéraire Truong Tuu.
[18].
Ce sont des ministres et des intellectuels qui faisaient partie du gouvernement de cette époque. Dans un
ouvrage à paraître, l’écrivain Son Tùng relatera comment mon père s’est débrouillé pour inviter ces
personnalités à prendre part au gouvernement à une date où le pouvoir révolutionnaire n’était qu’un embryon.
[19].
Ngô Dinh Diêm (1901-1963), issu d’une famille de mandarins, fut ministre de Bao Dai à la cour de Huê.
Arrêté par le Vietminh puis libéré, il s'enfuit à l’étranger (France et États-Unis) avant de retourner au pays en
1954 pour devenir premier ministre de Bao Dai. En 1955 il renversa celui-ci et déclara la République du Sud
Vietnam et dont il devint le président. Il fut assassiné en 1963 lors d’un coup d'État monté par les militaires.
[20].
Son vrai nom était Lê Di. Déporté au Madagascar par le régime colonialiste pour avoir été membre du parti
communiste. Il fut libéré par l’armée anglaise qui le remit par la suite à l’armée américaine. D’après ce qu’il
m’a raconté, un certain nombre de prisonniers politiques dont lui et Phan Bôi surnommé Hoàng Huu Hoan,
ont été formés par l’OSS (qui deviendra par la suite la CIA) puis lâchés dans la province de Hà Dông. Lê Gian
rapportait la radio, de l’argent et des armes au Parti. En 1945 Hô Chi Minh le nomma directeur général de
la Police vietnamienne. Plus tard, les dirigeants suivaient les expériences chinoises pour écarter ceux
comme lui qui avaient été avec des ennemis des postes importants. Avant de prendre la retraite il était
vice-président du Tribunal suprême. Il gagnait la confiance des communistes de la vieille génération.
[21].
Le père de Ngô Dinh Diêm était Ngô Dinh Kha, ancien ministre des Rites à la Cour de Huê. Quand le
pouvoir colonial a décidé de déporter le roi Thành Thai, Ngô Dinh Kha s’y est opposé en refusant d’apposer
sa signature sur l’acte de condamnation. Un autre lettré, Nguyên Huu Bài, refusa de même de signer
l’autorisation présentée par le résident supérieur Mahé de fouiller la tombe de Tu Duc dans le but de
chercher des trésors.
[22].
Hô Chi Minh - Danh nhân van hoa ("Hô Chi Minh- Homme de culture") Ed. Van Hoa, Hanoi, 1991, p. 232.
[23].
Termes par lesquels Mao désignait les États-Unis pendant la guerre de Corée.
[24].
Des militaires chinois vaillants m’ont ravitaillé plus d’une fois en carburant pour ma mobylette Jawa sur des
routes désertes du Viet Bac. Nous avons puisé l’eau ensemble à Yên So, dans la périphérie de Hanoi.
A propos de l’entrée des troupes chinoises au Vietnam, Hoàng Van Hoan a écrit : «
De 1965 à 1970, à la
demande du président Hô et du comité central du parti des travailleurs vietnamien, le président Mao et le
comité central du parti communiste chinois ont envoyé plus de 300.000 militaires chinois au Vietnam. »
Voir Hoàng Van Hoan,
Giot nuoc trong biên ca (La goutte d’eau dans l’océan), p. 345.
Le chiffre avancé par cet auteur est crédible. A cette époque il était encore membre du bureau politique, il
ne pouvait ne pas être au courant des choses de cette importante.
[25].
Autrement dit le Viet Nam Quôc Dân Dang, parti nationaliste, réplique du Kuo Ming Dang chinois, qui s’est
lancé dans une insurrection sucidaire au début de l’année 1930 contre le régime colonial français. (NdT).
[26].
Leader du parti VNQDD.
[27].
Résident français de la province de Son La dans la décennies 30 et au début des années 40.
[28].
Un révolutionnaire notoire mort de tuberculose dans la prison de Son La. Un pêcher planté dans la cour de la
prison porte le nom de Tô Hiêu, cependant, à leur retour à la prison pour une visite Trân Huy Liêu et mon
père ont affirmé que cet arbre n’était pas planté par Tô Hiêu.
[29].
Ou plus exactement l’hôpital construit par les Soviétiques qui est réservé aux hauts cadres.
[30].
Quelques unes des tortures pratiquées par la Sûreté (française) : faire pendre le prisonnier en lui donnant
des coups (le transformer en avion), l’immerger dans le bassin (le transformer en submersible).
[31].
Pseudonyme de Truong Chinh à l’époque de la clandestinité. NdT
[32].
Il s’agit de chez Trân Van Van, une base sûre pour le Parti encore dans la clandestinité. Il a subvenu aux
besoins de Truong Chinh, de Nguyên Luong Bang, de Bùi Lâm, de Xuân Thuy, de Dang Viêt Châu, etc.,
quand ces derniers devaient se cacher pour échapper aux agents de la Sûreté française. Après le succès
de la révolution il vivait dans la pauvreté sans arriver à ouvrir un magasin de récupération des déchets de
cuivre. Il adressa une lettre à Truong Chinh pour lui rappeler le passé et demander son aide. Il obtint une
entrevue avec celui-ci qui donna l’ordre à son secrétaire de s’occuper des formalités d’ouverture du
magasin. L’atelier de réparation de deux roues sous l’enseigne « Huong honda » sis au marché Mo et
dont le gérant était son fils Trân Van Huong, fut le résultat de l’aide que le président de l’Assemblée
nationale Truong Chinh lui a accordée.
[33].
Le vrai nom de Truong Chinh. (NdT)
[34].
Ancienne rue commerciale Paul Bert à Hanoi.
Sommaire de la rubrique
|
Haut de page
|