Les beaux textes
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Poème de Néruda
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Dernières volontés
Pablo Neruda
Compagnons, enterrez-moi face à l'Ile Noire,
face à la mer que je connais, aux âpres surfaces
de pierres et de vagues que mes yeux perdus ne reverront jamais.
Chaque journée de l'océan
m'apportait le brouillard ou la turquoise en chutes pures
ou la simple étendue, l'eau rectiligne et invariable,
ce que je demandais, l'espace qui rongea mes tempes.
Le deuil qui passe avec le cormoran, le vol
des grands oiseaux gris qui aiment l'hiver,
et chaque cercle de sargasse, ténébreux,
et chaque vague grave qui secoue son froid,
et encore et surtout, la terre et son herbier caché,
secret, fils des brumes et du sel, rongé
par le vent acide, corolles minuscules.
de la côte collées au sable sans limites :
toutes les clefs mouillées de la terre marine
connaissent chaque phase de ma joie
et savent
que je veux dormir là, là entre les paupières de l'océan et de la terre...
Je veux partir
entraîné vers le bas par les pluies que le vent
sauvage de la mer émiette et dissémine,
puis me laisser porter par les lits souterrains
vers le printemps qui renaît en sa profondeur.
Ouvrez auprès du mien un creux pour ma compagne
Et quand l'heure viendra,
laissez-la à nouveau me suivre dans la terre.
Sources : Pablo Neruda,
Chant général, Paris, Gallimard, 1884, p. 515-516.
Illustration : David M. Jones & Brain L. Molyneaux,
Mythologies des Amériques, Paris, Éd. EDDL, 2002, p. 238.
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