Les beaux textes

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Poésie raramuris

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Notre Mère la Terre


photo

Jadis
- Il y a longtemps de cela -
notre Mère la Terre
affichait embonpoint et maturité
quand il pleuvait
tout se mouillait pareillement.
Aujourd'hui
d'année en année
elle maigrit davantage,
elle vieillit,
comme viande sèche
et l'eau se cache
dans les plis
des ravins
plutôt que d'arroser
les semailles
ou se déverse
comme trombe
d'une seule fois.
La terre se dénude
pour ne laisser
que des os.

On dit
que vient le temps
où notre Mère la Terre
ne sera plus.


Sources : Romayne Wheeler, Vingt ans avec les Indiens Raramuris. "Ils m'ont ouvert les yeux à la vie...", Bénaix, Éditions Présence Image & Son, 2007, p. 48.

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Les Chabochis [1]

Ils se dépensent beaucoup
pour toute sorte de sottises.
Dans les films
iIs apprennent à faire
tout ce qu'ils font dans la vie
et à parIer
sans attendre réponse
comme un poste de radio
qu'on ne peut éteindre
ni contredire.

Ils se posent des pièges
les uns aux autres
et il est rare qu'ils donnent de quoi manger
à celui qui n'a rien.
N'aidant pas
0norúame ne les aide pas
et quoiqu'ils paraissent riches
leurs billets ne leur achètent pas le saIut,
A y bien penser...
ce sont eux les vrais gentils
ils aiment les objets
plus que les gens
et leurs mots sont incessants.
Ils sont sans force
et comme privés de pieds
et ils sentent le linge sale.
Il est rare que les Chabochis
veuillent être nos amis.
Ils n'aiment guère
vivre avec nous
et beaucoup veulent nous ôter
le peu que nous avons
ils abattent nos forêts
et nous paient d'aumônes.

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Bien des Chabochis
aiment à vivre amoncelés
si près les uns des autres
qu'ils n'ont pas même à se saluer
et peu leur importe
comment vit le voisin.
Ils passent leur temps à jouer
avec des tas de masques
sombres et fardés
si bien qu'on ne voit Jamais
leur visage tel qu'il est.
Leur langue est chargée
de mensonges et de duperie.
Parfois on dirait des chats
miaulant leurs sentiments
et griffant
celui qui ne leur revient pas.
À toute heure
on entend ronfler les camions
transportant des marchandises
de ci, de là, dans un beau vacarme.
Seul les intéresse de savoir
comment gagner
le prochain billet
aussi ne peuvent-ils être tranquilles.
Ces gens ne savent pas danser
pour Rioshi Onorúame [2]
ils ne dansent
que pour distraire la femme
et chantent
sans vergogne
leurs plus intimes
secrets d'amour.
Ils portent des appareils noirs
pendus au cou
pour nous sucer le sang
et nous arracher l'âme.
Ils viennent dans nos grottes,
s'amusent et se rient de nous
faisant force photos
et se croient importants
parce qu'ils vivent
dans des maisons de ciment.
Ils tirent orgueil
de n'avoir pas à marcher
pour eux, point n'est besoin de pieds
ils ne connaissent que camions ou avions.

Le coeur du Chabochi
- tel que nous le connaissons, nous
est sans douceur
il est acariâtre,
aigre et amer.
Son âme est un rayon de miel
sans miel
nulle lueur de confiance
en ses yeux.
Seuls quelques-uns d'entre eux
ont du miel en leur âme
et savent parler
avec douceur et droiture.
Eux aussi cherchent le chemin
qui mène au-delà
de ce qu'ils connaissent
ceux-là nous touchent la main
avec sincérité et tendresse.
Ces quelques-uns
nous les invitons
à être
nos frères.

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Notes :

[1]. Chibochi : le barbu qui a des "toiles d'araignée" sur le visage, celui qui n'est pas Raramuri.

[2]. Le Créateur.


Sources : Romayne Wheeler, Vingt ans avec les Indiens Raramuris. "Ils m'ont ouvert les yeux à la vie...", Bénaix, Éditions Présence Image & Son, 2007, p. 54-57.

Illustration : Ibid, p. 108, 158.

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