Les beaux textes

Les beaux textes




Humour, satire, absurdité

Humour, satire, absurdité




Nasr Eddin Hodja, personnage légendaire le plus célèbre de la culture populaire arabo-musulmane, aurait vécu au XVIe siècle quelque part en Turquie. Il apparaît selon les lieux sous d'autres noms tels que Effendi, Apendi, Nasrattin, etc., ce qui prouve que sa popularité dépasse les frontières. Les histoires à son sujet relèvent à la fois de l'humour, de l'idiotie, du blasphème, de l'absurdité et sont parfois teintées d'obsénité.

Certains le rattachent à la tradition du soufisme, doctrine ésotérique de l'islam dont le but tend vers l'extinction de l'égo, d'autres voient la trace de la secte des Bektashi très libre d'esprit, dont les "réponses insolites aux questions d'ordre religieux", sont quasiment des blasphèmes aux oreilles des orthodoxes.

Ce personnage rappelle à nous autres, originaires de l'Asie du Sud-Est, une aire culturelle complètement éloignée et différente du monde arabe, deux autres :
- Xieng Mieng [1] du Laos serait son alter ego par ses côtés cocasses, drôles, par sa vivacité d'esprit;
- Mais quand il prend les choses à la lettre ou il tourne en dérision Timour Leng qui vient d'investir la ville, il nous fait penser à Trạng Quỳnh qui défie le seigneur des Trinh [2]au Vietnam par ses ruses et son esprit satirique. Trạng Quỳnh en est mort mais il a réussi à entraîner avec lui son ennemi, le seigneur Trinh sur les routes de l'au-delà.

Voici un échantillon d'histoires qu'on raconte sur Nasr Eddin.

UN HOMME À PRINCIPES
Au cours d'un voyage maritime, Nasr Eddin se trouve pris, avec d'autres personnes, dans une forte tempête. Le navire est de taille modeste, et il commence à se charger dangereusement d'eau. Le capitaine tente de parer au pire, et il ordonne à tous les passagers d'écoper énergiquement. Nasr Eddin, lui, au lieu de faire comme tout le monde, puise dans la mer avec un seau dont il jette le contenu sur le pont.

- Nasr Eddin, tu es fou! se récrie-t-on. Tu veux donc notre perte à tous ?

- Ah, mes frères, il faut savoir mourir pour ses principes : moi, toute ma vie, je me suis mis du côté du plus fort.
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LA PUNITION
Un jour, de bon matin, Nasr Eddin interroge sa femme :
- Hola, Khadidja! Dis-moi un peu : à quoi reconnait-on à coup sûr qu'un homme est mort?
- À ses pieds froids et à ses mains froides. C'est quand on a fait cette observation qu'on est certain qu'il est mort.

Le Hodja part ensuite avec son âne faire du bois en forêt. C'est un jour d'hiver glacial, et au bout d'un moment il ne sent plus ni ses mains ni ses pieds.
- Ça y est, se dit-il, je suis sûrement mort.
ll se couche alors sur le sol et il ferme les veux.
Ne le voyant pas revenir de la journée, sa femme, inquiète, va s'en ouvrir à ses voisins. Ceux-ci s'empressent d'explorer la forêt, et là ils découvrent que le Hodja est bel et bien décédé en coupant son bois. Sur un brancard de fortune on ramene la dépouille au village.

La nouvelle s'est répandue comme une traînée de poudre, et la population se presse pour rendre hommage au défunt. Beaucoup veulent même toucher ses vêtements au passage lorsque soudain une femme s'écrie :
- Regardez! Regardez tous! Cet homme n'est pas mort, il bande!
A ces mots, le Hodja se redresse et il lui lance :
- Dis donc, toi ! Viens un peu par ici et tu vas voir comment de mon vivant je punissais les menteuses !

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LES OISEAUX ET LES OEUFS
Le jeune fils de Nasr Eddin a déniché un œuf dans un nid et il vient s'instruire aussitôt auprès de son père.
- Regarde, j'ai trouvé un bel œuf dans un arbre, mais il y a quelque chose que je voudrais que tu m'expliques : comment l'oiseau va-t-il faire pour en sortir?
- Ah, mon fils! s'exclame le Hodja la mine soucieuse, c'est une question difficile, mais il y en a une autre, beaucoup plus difficile, une véritable énigme. ..
- Laquelle, père?
- Comment l’oiseau fait-il pour y entrer?

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LE SACRIFICE
Le cheval de Nasr Eddin, très vieux et malade, a fait son temps, aussi son maître décide-t-il d'abréger ses souffrances et de l’offrir en sacrifice à Allah. Ce qui est fait.

Le lendemain, tout fier de sa pieuse action, il se répand dans le village, racontant la chose à qui veut bien l'écouter, mais on le trouve importun, ridicule et même inconvenant.

L'affaire ne tarde pas à monter jusqu'a l'imam, qui vient en personne l’avertir qu'il frise le blasphème et qu'il ferait mieux de se taire.
Le Hodja s'enferme alors chez lui, profondément choqué et amer :
- Quelle injustice ! se dit-il. Ismaël sacrifie un simple agneau, et on en fait tout un plat dans le Coran. Moi, je sacrifie un cheval tout entier, une bête magnifique, et personne ne veut en entendre parler!

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ÂNE À VENDRE
Nasr Eddin a décidé de se débarrasser de son âne. Le voici au marché le proposant à la vente. Quelques acheteurs se présentent, qui entreprennent d'examiner l'animal sous toutes les coutures, mais celui-ci n'y met aucune bonne volonté, au contraire : il veut mordre celui qui inspecte ses dents, il envoie un coup de sabot à celui qui observe son arrière-train, puis il commence à braire de façon stupide et tragique, avant de se coucher, fermement décidé à ne plus bouger jusqu'au soir.

- Hola, Nasr Eddin! Quelle sale bête ! s'emporte un des paysans.
- Oui, en vérité, ajoute un autre, un vicieux!
- Et quel braillard!
- Paresseux en plus !...
- Eh, taisez-vous donc! s'écrie Nasr Eddin excédé. Tout ce qu'il est, je le sais mieux que vous, et c'est bien pour cela, figurez-vous, que je veux le vendre!

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L’AVIS DU MORT
L'homme le plus âgé de la ville vient de décéder, et c'est à Nasr Eddin, faisant alors fonction d'imam, que revient la charge de diriger la cérémonie funéraire.
Debout devant le catafalque, les autres fidèles se tenant à distance, il est en train de réciter le tekbir lorsque le défunt ouvre les yeux, dresse légèrement la tête et murmure :
- Hodja, il y a erreur : je ne suis pas mort...
- Mais tais-toi donc! lui réplique Nasr Eddin de la même manière en le rallongeant sur sa civière. Tu es bien le seul de cet avis, et si on t'entend tu vas te mettre à dos toute la communauté.

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DES MARCHANDISES RARES
Un jour de marché où il y a grande affluence, Nasr Eddin monte sur une charrette et interpelle les gens d'une voix forte :
- Hola, vous tous, ecoutez-moi ! Voulez-vous la vérité sans le doute ?
- Oui, nous la voulons ! répond d'une seule voix la foule qui n'a pas tardé à se former autour de lui.
- C'est très bien. Et le progrès sans effort?
- Oui, oui, nous le voulons aussi.
- Bravo! Et la réalisation sans le sacrifice, vous la voulez aussi ?
- Hourra ! Vive Nasr Eddin ! Vive notre Hodja!
- C'était juste pour me rendre compte s'il y avait des amateurs, fait alors Nasr Eddin en redescendant de son perchoir. Si je trouve de telles marchandises, soyez certains que je ne manquerai pas de venir vous les vendre.

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CE QUE C’EST QU’UN HOMME
Une fois de plus une violente dispute éclate entre Nasr Eddin et son épouse, laquelle, comme d'hahitude en pareil cas, se saisit du tisonnier, si bien que le Hodja se replie en vitesse sous la table pour éviter les coups qui ne vont pas tarder à pleuvoir sur son turhan.
- Sors de là! hurle Khadidja en furie.
- Non !
- Sors de là immédiatement !
- Non, je ne sortirai pas !
- Sors donc de là, si tu es un homme !
- Justement je suis un homme et quand un homme dit non, c'est non !

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UNE LEÇON D'ARITHMÉTIQUE
Timour a invité son bouffon Nasr Eddin à venir partager son repas familial. En plus du souverain lui-même se trouvent là, à table, sa femme, ses deux fils et ses deux filles. Les serviteurs apportent une oie magnifique, dorée à point.

- Tiens, Hodja, toi qui es si habile, partage-nous donc cette bête entre nous sept, lui ordonne-t-il. Et gare à toi si tu n'en es pas capable !
- Rien de plus simple, seigneur : pour toi, le chef, voici la tête, à ton épouse qui te suit fidèlement partout, je donne le cou, tes fils, si vigoureux et rapides à la course, auront les pattes; quant à tes filles qui doivent bientôt s'envoler du nid familial pour se marier, elles seront ravies de manger les ailes. A moi, pauvre paysan habitué à la dure, il ne reste que les cuisses et les blancs. Allons-y, attaquons !

Le tyran ne trouve rien à opposer sur le moment, mais il se promet de se venger.
- Reviens donc demain, dit-il à Nasr Eddin. Pour te récompenser d'un partage si équitable, je veux te gratifier d'un véritable festin.

Le Hodja revient le lendemain et il se met à table avec les mêmes convives. Les serviteurs apportent alors, non pas une seule oie comme la veille, mais cinq !

- Tiens, bouffon, fais-nous donc sept parts équitables avec ces cinq bêtes, et tu sais ce qui t'attend si tu n'y parviens pas.
- Seigneur, c'est un jeu d'enfant! Veux-tu un partage par nombres pairs ou par nombres impairs?
- Euh. .. par nombres impairs. Mais explique d’abord avant de te servir.
- Eh bien, toi plus ta femme plus une oie, ça fait trois. Tes deux fils plus une oie, ça fait aussi trois. Tes deux filles plus une oie, ça fait toujours trois et moi plus deux oies, ça fait encore trois. Cela te va-t-il?
- Non, cela ne va pas. Fais plutôt voir par nombres pairs.
- Encore plus facile, seigneur : toi plus tes deux fils plus une oie, ça fait quatre. Ta femme plus tes deux filles plus une oie, ça fait encore quatre. Et moi plus trois oies, ça fait bien quatre aussi. Afyet olsun ! Bon appétit !

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LE PREMIER
Nasr Eddin est gravement malade et il fait venir le cadi et l'imam pour leur dicter ses dernières volontés.
- Hassan, Shôlen, quand je serai mort, j'entends qu'on m’enterre tres peu profond et dans une terre bien meuble, et qu'on ne m’édifie surtout pas un mausolée!
- Mais pourquoi, Hodja? s’étonnent-ils. Tu es aimé de tous, tu en as instruit beaucoup, et ce ne serait que justice que nous honorions ta mémoire par un turbé digne de toi.
- Le problème n'est pas là. ll y a seulement que le jour du Jugement, quand résonneront les trompettes de la résurrection des morts, je veux pouvoir sortir le premier sans avoir à me battre contre des tonnes de pierres et de ciment.

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Notes

[1]. Lors des préparations d'une fête, les assistants dirent pour rappeler à Xieng Mieng :
- Demain n'oublie pas de venir avant le coq, ah Xieng Mieng ! Ceui-ci acquiesça.
Le lendemain quand tout le monde était déjà là, notre xieng Mieng était introuvable. Seulement quand le soleil était bien haut dans le ciel qu'on le vit pointer avec un animal qui traîna derrière et attaché à lui avec une ficelle. Les assistants lui reprochèrent :
- Tu nous as promis hier de venir avant le coq (ce qui voulait dire "avant que le coq chante")...
Goguenard, Xieng Mieng répliqua :
- Je suis bien venu avant le coq, regardez, le voilà derrière moi.

[2]. Aux XVIe et XVIIe siècles, le Vietnam fut partagé en deux : au Nord, le roi des Lê règna mais le véritable pouvoir revenait au seigneur des Trinh, le seigneur des Nguyên gouverna le Sud.

Sources :

Absudités et paradoxes de Nasr Eddin Hodja, recueillis et présentés par Jean-Louis Maunoury, Phébus, 2006, 184 p.

Calligraphie : http://www.moala.net/

Autres contes et histoires à faire rire assis

SOURCES DE MALENTENDU
Entre ce que je pense
Ce que je veux dire
Ce que je crois dire
Ce que je dis
Ce que vous voulez entendre
Ce que vous entendez
Ce que vous croyez comprendre
Ce que vous voulez comprendre
Et ce que vous comprenez
Il y a au moins 9 possibilités de ne pas s'entendre. [3]

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LES DIEUX ET L'HOMME
Une vieille légende hindoue raconte qu'il y eût un temps où tous les hommes étaient des dieux. Mais ils abusèrent tellement de leur divinité que Brahma décida de leur ôter le pouvoir divin et de le cacher à un endroit où il leur serait impsible de le retrouver. Le grand problème fut donc de lui trouver une cachette.
Lorsque les dieux furent convoqués à un conseil pour résoudre ce problème, ils proposèrent ceci: ''Enterrons la divinité de l'homme dans la terre.''
Mais Brahma répondit: ''Non, cela ne suffit pas, car l'homme creusera et la trouvera.''
Alors les dieux dirent: ''Dans ce cas, jetons la divinité dans le plus profond des océans.''
Mais Brahma répondit à nouveau: ''Non, car tôt ou tard, l'home explorera les profondeurs de tous les océans, et il est certain qu'un jour, il la trouvera et la remontera à la surrce.''
Déconcertés, les dieux proposèrent: ''ll ne reste plus que le ciel, oui, cachons la divinité de l'homme sur la lune.''
Mais, Brahma répondit encore: ''Non, un jour, l'homme parcourra le ciel, ira sur la Lune et Ia trouvera.''
Les dieux conclurent: ''Nous ne savons pas où la cacher car il ne semble pas exister sur terre ou dans la mer d'endroit que l'homme ne puisse atteindre un Jour.'' Alors Brahma dit: ''Voici ce que nous ferons de la divinité de l'homme: nous la cacherons au plus profond de lui-même, car c'est le seul endroit où il ne pensera jamais à chercher.'' Depuis ce temps-là, conclut la légende, l'homme a fait le tour de la terre, il a exploré, escaladé, plongé et creusé, exloré la lune et le ciel à la recherche de quelque chose qui se trouve en lui. [4]

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LE MISSIONNAIRE, LE FAUVE ET DIEU
Un missionnaire, dans la brousse, se trouve tout à coup en face d'un redoutable fauve. Effrayé, il se jette à genoux, implorant le Tout-Puissant : "Seigneur, accordez à cet animal des sentiments humains !" Un moment passe. Puis l'animal lève la patte en direction du missionnaire, et s'écrit : "Seigneur, bénissez cet aliment que je vais consommer !" [5]

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LES BLAGUES AMÉRINDIENNES [6]
Un papa amérindien amène son fils sur le bord d'un grand lac pour l'initier à la pêche.
- Père, quel est ton secret pour choisir les endroits de pêche?
- Très simple. Tu vois les deux oiseaux mangeurs de poissons qui sont sur le lac? Alors tu te places devant et il n'y a pas de problème. L'endroit est bon. Et le fils de répondre:
- Merci père!

Et sur le lac, le fils oiseau demande:
- Père, quel est ton secret pour choisir les endroits de pêche?
- Très simple. Tu vois les deux amérindiens mangeurs de poisson qui sont sur la terre? Alors tu te places devant et il n'y a pas de problème. L'endroit est bon...

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Une indienne Osage vient juste de s'acheter une nouvelle voiture avec ses économies. Elle demande à son petit ami, qui est un indien Choctaw, d'aller derrière la voiture et de vérifier que les clignotants fonctionnent. "Alors est-ce qu'ils marchent ? " demande t-elle. L'indien Choctaw répond : "Oui… Non… Oui… Non…"…

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Un Indien est assis a un arrêt de bus à côté de deux vieux Anglais. Le premier vieux dit :
- Hey Herb, où est-ce que tu vas pour les vacances cette année ? Herb lui répond :
- Je vais dans le Montana pour pêcher. Le premier vieux le regarde et s'exclame :
- "Mais qu'est-ce que tu vas foutre là-bas, il n'y a rien à part une tripotée de ces damnés indiens. Herb répond :
- C'est vrai, mais toi où vas-tu ?. Le premier vieux dit :
- Je vais en Arizona m'imprégner de soleil !. Herb le regarde et crie :
- Mais tu es un crétin, il n'y a rien là-bas à part un tas de satanés indiens. Alors, le petit indien se met à parler et commente :
- Pourquoi vous n'allez pas tous les deux en enfer ? Il n'y a pas d'indiens là-bas !…

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Un blanc fut présenté à un vieux chef de passaga à New York. Le trouvant sympathique, il l'invita à dîner.
L'Indien n'avait pas mangé de bon bifteck depuis longtemps et ravi de l'invitation, il expédia sa viande en un temps record.
Comme il semblait encore avoir faim, le blanc lui en offrit un second, remarquant simplement :
- Comme j'aimerai avoir votre appétit !
- Je n'en doute pas répondit l'indien. Vous avez pris nos terres, nos montagnes, nos fleuves, nos saumons, nos bisons. Vous avez tout pris sauf mon appetit et maintenant vous le voulez aussi. Serez-vous un jour satisfait ?

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Notes

[3]. Si quelqu'un peut nous indiquer les sources de cette citation, nous lui exprimerons notre reconnaissance.

[4]. http://www.syti.net/LegendeHindoue.htlm

[5]. Francine Fouéré, "L'arbre et la sève" in Ludicité édité par OM, 1993, p. 689.

[6]. Sources : http://www.arizona-dream.com/Usa/amerindiens/autres/blagues.php
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