Communications aux colloques

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À la recherche d'un habitat écologique pour un environnement écologique :
héritage & modernisation de Phú Yên.
À la recherche d'un habitat écologique pour un environnement écologique :
héritage & modernisation de Phú Yên.



Communication faite au symposium international lors de la célébration du 400e anniversaire de la fondation de la province de Phú Yên, Tuy Hoà, 2 avril 2011.

Bản tiếng việt



Le défi


Compte tenu des données exposées ci-dessus, il nous reste à les mettre en équation afin de pouvoir la résoudre. Si nous avons insisté sur les impasses du modèle occidental c'est pour une simple raison de bon sens : en tant qu'État qui accumule les handicaps de départ, si on observe bien ce qui se passe, ceux qui sont en tête dans la course au développement, on pourrait éviter les erreurs commises, les choix discutables pour en tirer des leçons au lieu de se lancer à corps perdu sur les traces des autres. Le fait que le Vietnam part de zéro n'est pas forcément dans cette configuration un handicap, mais à l'inverse, peut devenir un avantage, car il n'a pas un lourd passé dont il faut se débarrasser : il est plus facile de construire quelque chose à partir de zéro que de commencer d'abord par détruire ce qui existe avant de pouvoir construire. Dans la course, le dernier coureur peut devenir le premier si on inverse le sens de la course. Au lieu de courir la tête baissée après le modèle de développement occidental, et plus on court après plus on a du mal à rattraper celui qui court devant car on part avec des handicaps, il suffit de s'inventer un nouvel horizon, de se donner une nouvelle finalité pour renverser les choses. Il serait par exemple absurde de suivre le modèle occidental en misant sur la production de voitures pour égaler ou dépasser l'Occident, qui justement, connaît des crises de production dont les causes sont trop complexes pour en parler ici. La Chine va expérimenter un modèle de bus urbain appelé bus enjambeur et baptisé 3D Express Coach qui serait un tunnel mobile, laissant passer les voitures sous son "tunnel" tout en transportant un nombre important de voyageurs (jusqu'à 1400 personnes [24]). Pour nous, cette solution est une fuite en avant, la continuité du modèle occidental qui a montré ses limites en termes de progrès social et de bien-être, tout simplement parce que la finalité de ce modèle n'est pas le bonheur du peuple, mais le profit pour ceux qui ont les moyens d'imposer les règles du jeu aux autres. Les petits pays n'ont aucun intérêt à entrer dans ce jeu dont ils n'ont aucune possibilité de maîtriser les règles. Au lieu de courir après le miroir aux alouettes, ne faudrait-il pas plutôt se poser de bonnes questions en termes de responsabilité envers les générations futures, envers l'environnement qui est le substrat de base pour la vie, en termes de solidarité avec les plus faibles, notamment les minorités ethniques, en termes de partage des connaissances pour s'enrichir mutuellement ? Quand des millions de personnes s'entassent dans des bidonvilles des pays pauvres comme à Mexico, New Delhi, Lagos, Saigon, avoir de la place chez soi est un grand luxe. C'est avec ce luxe-là que Phú Yên peut attirer du monde pour lui montrer autre chose que des tours à vingt étages, des autoroutes, des supermarchés impersonnels, des voitures les unes plus grosses que les autres qui crachent la fumée polluante, etc., tout ce qu'on cherche à oublier quand on voyage. Il s'agit donc d'un défi à plusieurs titres : Si on arrive à surmonter les obstacles d'ordre psychologique et politique - les plus difficiles - le reste devrait suivre sans trop de problèmes. Cette exploration ne cherche pas à implanter un projet conçu ex nihilo sans rapports avec les ressources et l'héritage du lieu comme les plates-formes pétrolières hors-sol en haute mer. Après avoir analysé l'existant aussi bien en termes d'héritages que de possibilités qu'offre le monde moderne, nous formulons donc l'idée de doter Phú Yên d'un statut particulier, pour le mettre à l'abri d'un développement sans orientation ni finalité précises, pour ne pas dire anarchique qui détruirait l'existant sans apporter de contrepartie substantielle et pérenne : une province écologique dont le premier volet consiste à rénover les habitations ou à en construire de nouvelles selon le principe écologique. Toutes les conditions sont accessibles et réunies quant à la réalisation. La "maison écologique" est un nouveau concept qui prend de l'ampleur en Europe occidentale depuis une dizaine d'années et le secteur du bâtiment commence sérieusement à l'adopter pour ne pas rater un nouveau départ. Ce concept va à l'encontre du modèle de développement irresponsable dont les conséquences deviennent de plus en plus effrayantes. Pour avoir le label de "maison écologique" sa conception et sa construction doivent respecter un certain nombre de principes :

Nous avons ainsi tous les éléments nécessaires à la construction d'une maison écologique ou à rénover une ancienne maison selon le principe écologique. Nous avons fait constater plus haut que les maisons traditionnelles vietnamiennes et celles des minorités ethniques souffrent du manque de lumière en période non ensoleillée, et de l'absence d'isolation thermique pour bien se sentir en période estivale, même si leur conception de même que leur réalisation étaient écologiques avant l'heure. Le manque de lumière peut être corrigé par l'adjonction d'un puits de lumière installé sur le toit [30]. C'est un procédé technique assez simple, on capte la lumière du soleil, on la dirige ensuite dans un tube d'inox contenant un système de miroirs qui va réfléchir la lumière vers un endroit souhaité. La pièce qui était sombre avant est désormais éclairée par la lumière du jour sans savoir à allumer une seule ampoule électrique. Une autre possibilité d'avoir plus de lumière consiste à installer des vélux [31] sur le toit, à la place des tuiles qu'on enlève à leur emplacement. Quant à la chaleur étouffante de l'été, elle peut être ramenée à une température supportable sans avoir à recourir aux installations d'air conditionné qui dévorent l'énergie pour un résultat discutable. Il suffit pour ce faire d'isoler la maison sur le plan thermique, surtout le toit et les murs en utilisant des matériaux locaux tels que la paille, la terre, le chanvre, fibres de coco, etc. Pour atténuer la chaleur estivale de la maison, il convient tout simplement d'avoir des arbres dans le jardin, devant la maison. L'ombre des arbres rafraîchit l'air ambiant. Qui n'a pas constaté qu'en été il est plus agréable d'être à l'ombre d'un grand arbre que d'un grand immeuble en béton. La mare participe à cet égard à rendre l'air plus frais par l'évaporation de l'eau.

La maison écologique c'est aussi un mode de vie, un art de vivre dont l'un des principes consiste à éliminer à la source les gaspillages, les déchets polluants : par exemple, pour ne pas avoir à traiter des déchets la meilleure solution est de ne pas en produire, et non le contraire, produire puis chercher des solutions de traitement, ce serait mettre la charrue devant le buffle. Au-delà de la construction d'une maison écologique ou de la rénovation d'une ancienne maison traditionnelle, ce mode de vie fait aussi appel à la prise de conscience individuelle et collective de nos gestes dans le quotidien : fermer le robinet d'eau quand on se lave les dents au lieu de laisser couler l'eau pour rien, ne pas jeter des détritus de la vie quotidienne (papier d'emballage, bouteilles, matières plastiques...) n'importe où mais dans un lieu prévu à cet effet, ce qui nécessite des poubelles publiques. Tout ceci demande la mise en place d'une structure de formation et d'information à la nouvelle vie écologique. Pour une ville comme Tuy Hoà de moins de 200.000 habitants, qui s'étale sur une plaine côtière, le vie peut se passer de voitures particulières, le déplacement à pied, à vélo ou tricycle à moteur pour transporter des personnes âgées et enfants, un réseau dense de transports publics à la hauteur des besoins devraient suffire. Un touriste est d'autant plus intéressé à ce qui se passe qu'il a le temps d'observer autour de lui. Une flânerie au marché local le réjouirait plus en termes de sensations et de découvertes qu'une virée automobile qui le coupe de la vie réelle. Il ne s'agit pas de rejeter les engins à moteur mais de les utiliser à bon escient et de les adapter aux situations : des voitures de pompiers, des voitures de secours en cas d'accident graves, ou même des hélicoptères s'il le faut, mais pas de voitures particulières sans rapport avec la nécessité. Dans les zones d'accueil touristique on pourrait remettre à jour de petites voitures à cheval pour des déplacements qui ne dépassent pas un seuil à fixer. À cet égard, compte tenu de la géographie physique du lieu, on peut aussi mettre en place des sentiers de randonnées pédestres et équestres, des pistes pour les VTT, proposer des sports d'aventure tels que le canoë-kayak, la spéléologie, la plongée sous-marine, etc. Dans un pays comme le Vietnam, le bambou qui pousse partout et dont l'usage pourrait à lui seul représenter la civilisation du végétal, n'a pas un seul parc de bambous alors qu'il en existe un à Anduze, une commune aux environs de Nîmes dans le Midi de la France : il a été concrétisé au XIXe siècle par un passionné de cette plante aux qualités incroyables. En France le bambou est à la mode, c'est ce parc qui fournit de jeunes plants aux grossistes et particuliers d'une bonne partie du pays. L'aménagement d'un vrai parc de bambous sur une dizaine de hectares dans un environnement pittoresque, avec des ruisseaux qui serpentent par exemple, participerait à mettre en valeur une région dont la population ne souffre pas de manque d'espace.

Conclusion

Pour bénéficier d'une appellation originale et unique, la première province écologique du Vietnam et peut-être du monde, des choix en termes de développement responsable s'imposent. La diversité culturelle et ethnique de la province est un atout majeur pour la mise en place d'une politique d'accueil de qualité : les fêtes annuelles chez les villageois vietnamiens comme chez les minorités ethniques pourraient devenir des lieux privilégiés de découvertes, de contacts, d'échanges entre autochtones et touristes pourvu que l'aspect commercial ne dénature pas les traditions ancestrales. Il ne s'agit pas de transformer Phú Yên en une province-musée qu'on vient regarder à travers des vitrines. Ce projet n'a de sens que si la population tout entière participe à tous les niveaux de décision. On peut tout à fait imaginer un schéma de partenariat Province-Commune dans lequel la Province prend en charge la partie écologique de la rénovation des maisons ou la construction de nouvelles maisons et en contrepartie la Commune doit veiller à l'entretien des espaces verts (forêt, cours d'eau, parcs, etc.). La Province prendrait en charge des investissements lourds (infrastructures, lieux d'accueil...) en déléguant la gestion des lieux touristiques aux collectivités locales. Ce partenariat doit respecter une Charte d'orientation de la province qui reste à rédiger, cette charte fixe d'une part, les limites à ne pas dépasser en matière de constructions, d'investissements, de gestion, bref, un certain nombre de règlementations, et d'autres part, les obligations morales collectives et individuelles vis-à-vis de leurs engagements. C'est un véritable défi pour une région qui cherche à se faire connaître dans un contexte économique difficile. Mais ce défi mérite d'être relevé pour prouver qu'une autre voie est encore possible et celle-ci n'est pas forcément la plus onéreuse, la plus dévastatrice pour l'existant, mais au contraire, la plus harmonieuse avec l'héritage, les traditions et le monde moderne. La construction d'un grand barrage hydraulique demande des investissements lourds, des travaux d'aménagements qui risquent de mettre en danger l'écosystème du lieu, de déplacer des populations locales attachés à leur pays natal, pour un résultat que des panneaux solaires installés sur les toits de maison ou autres supports peuvent apporter pour un moindre coût sans bouleversements de tous ordres. C'est donc le bon sens contre l'irréfléchi en termes de responsabilités collectives, et de responsabilités envers les générations futures. Le défi consiste à gagner ce pari au profit de tout le monde et non pas obtenir le contrat du siècle pour quelques individus. Les Vietnamiens en milieu rural comme les autres peuples de la région ont toujours un sens de la solidarité collective, cette solidarité entre les peuples permettrait à la province de décoller sans perdre son âme. La réalisation du projet est soumise à beaucoup de conditions qui ne sont pas des mesures qui ont pour seul but de l'empêcher de se concrétiser, mais des garde-fous contre le laisser-aller ou la fuite en avant. C'est à ce prix que Phú Yên pourrait regarder Dongtan, les écovillages ou les écohameaux qui se construisent un peu partout en Europe et en Amérique latine, sans avoir à rougir.



Notes :

[24]. http://www.20min.ch/

[25]. Voir illustrations en annexes.

[26]. Voir illustrations en annexes.

[27]. Voir illustrations en annexes.

[28]. À défaut de sciure on peut aussi broyer les feuilles mortes, les petites branches issues du jardinage, les cartons en fin de course, tout ce qui contient une grande proportion de carbone. Si la cendre convient bien pour étouffer les odeurs des déjections animales ou humaines, l'ensemble ne permet pas au processus de compostage de se réaliser car dans la cendre il n'y a plus de carbone nécessaire aux réactions chimiques, puisque la cendre constitue le résidu d'une combustion.
Par ailleurs dans les pays tropicaux il convient de faire des tests avec la sciure de certains bois locaux (tropicaux), et particulièrement des bois d'œuvre ou parfumés qui contiennent plus de phénol que les autres bois. La sciure d'un bois qui contient beaucoup de phénol ne peut pas servir de litière car les réactions chimiques produisent des odeurs incommodes, donc à éviter. Voir illustrations en annexes.

[29]. Pour plus renseignements sur le compostage, voir les sites suivants :
- http://www.eautarcie.com/
- http://www.compostage.info/index.php

[30]. Voir illustrations en annexes.

[31]. Système de fenêtre en double vitrage (qui a aussi la qualité d'être un isolant phonique) qu'on installe sur le toit pour capter la lumière du jour. Ce système a été inauguré puis popularisé par les Scandinaves avant d'être adopté par l'ensemble des pays européens. Voir illustrations en annexes.





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