K r i s h n a m u r t i

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Lettres aux écoles

Lettres aux écoles




Comme nous avons dit dans une de ces pages, Krishnamurti a très peu écrit : Les lettres aux écoles constituent une exception. On sait que l'éducation représente pour lui une grande importance. Ici aussi, l'éducation a pour principal but de libérer les élèves de toute peur, de toute autorité, et de les rendre responsables vis-à-vis d'eux-mêmes et vis-à-vis de la société. De 1978 à 1980 il s'est donné pour tâche d'écrire tous les quinze jours une lettre aux écoles qu'il avait fondées, afin de garder les contacts avec aussi bien le corps enseignant qu'avec les élèves. En aucun cas ces lettres doivent être prises comme des consignes ou des ordres venant d'en-haut. C'est pour lui une manière de suivre et d'accompagner son petit monde parce qu'il ne pouvait pas être partout à tout moment. Sa présence dans ces écoles quand il y venait était aussi des moments d'échanges et de partage.
Quelques extraits valent mieux qu'un discours.




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Lettre du 1er juin 1979

(...) Comme nous l'avons signalé auparavant, tout problème qui surgit dans notre vie devrait être résolu instantanément ou aussi vite que possible, car les problèmes, lorsqu'on les traîne avec soi de jour en jour, détériorisent la sensibilité de tout l'esprit. La sensibilité est essentielle. Nous perdons cette sensibilité quand nous nous contentons simplement de dispenser à l'élève un enseignement sur tel ou tel sujet. Lorsque seul le sujet devient l'important, la sensibilité s'étiole et vous perdez réellement contact avec l'élève. Celui-ci n'est plus alors qu'un réceptacle d'informations. Votre esprit et celui de l'élève deviennent ainsi mécaniques. Généralement nous sommes sensibles à nos problèmes personnels, à nos désirs et à nos pensées mais nous le sommes rarement à ceux des autres. Quand nous sommes constamment en contact avec les élèves, nous avons tendance à leur imposer nos propres images ou, si l'élève a lui-même sa propre et forte image, il y a conflit entre ces images. Il est donc très important que l'éducateur laisse de côté ses propres images et s'intéresse à celles que les parents ou la société ont imposées à l'élève, ou à celle que celui-ci a lui-même créée. C'est seulement dans la rencontre qu'il peut y avoir relation et généralement la relation entre deux images est illusoire.

Les problèmes physiques et psychologiques épuisent notre énergie. Dans nos écoles l'éducateur peut-il être physiquement en sécurité tout en étant libéré des problèmes psychologiques ? Il importe vraiment de le comprendre. Lorsqu'il n'y a pas cette impression de sécurité physique, l'incertitude engendre de l'agitation psychologique. L'esprit devient terne, de sorte que la passion, si nécessaire dans notre vie quotidienne, se tarit et l'enthousiasme prend sa place.

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L'enthousiasme est une chose dangereuse car il n'est jamais constant. Il s'élève comme une vague et retombe. C'est à tort qu'on le prend pour quelque chose de sérieux. Vous pouvez pendant quelque temps vous enthousiasmer pour ce que vous faites, être ardent, actif, mais il y a, inhérent à cet enthousiasme, gaspillage d'énergie. Il est également essentiel de le comprendre car la plupart des relations sont vouées à ce gaspillage.

La passion diffère entièrement de la convoitise, de l'intérêt ou de l'enthousiasme. L'intérêt que l'on porte à une chose peut être très profond et on peut l'utiliser pour en tirer profit ou du pouvoir, mais ce n'est pas là de la passion. L'intérêt peut être stimulé par un objet ou une idée. L'intérêt est de l'auto-satisfaction. Dans la passion il n'y a pas de "moi". L'enthousiasme a toujours un objet. La passion est une flamme en soi. L'enthousiasme peut être éveillé par quelqu'un d'autre, par quelque chose qui vous est extérieur. La passion est la somme d'énergie qui ne résulte d'aucune stimulation. La passion se situe au delà du moi.

Les enseignants éprouvent-ils cette passion ? - car elle est source de création. En enseignant les matières scolaires il faut découvrir de nouvelles façons de transmettre l'information sans que celle-ci rende l'esprit mécanique. Pouvez-vous enseigner l'histoire - qui est l'histoire de l'humanité - non pas comme l'histoire des Indiens, des Anglais, des Américains et ainsi de suite, mais comme l'histoire de l'homme qui est une histoire globale ? A ce moment là l'esprit de l'éducateur est toujours neuf et ardent et découvre une façon totalement différente d'aborfer l'enseignement. Ce faisant, l'éducateur est intensément vivant et la passion est là.


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Crédit photos :

- Vignette 1: découpage d'une carte postale, photo de Hans Kemp
- Panorama : découpage d'une photo, collection personnelle.
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