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Người Ba-na ở Kon Tum - Les Bahnar de Kontum
EFEO-Hanoi & Éditions Thế giới, Hà Nội, octobre 2011, 514 p., illustrations & photos, lexique
Người Ba-na ở Kon Tum - Les Bahnar de Kontum
EFEO-Hanoi & Éditions Thế giới, Hà Nội, octobre 2011, 514 p., illustrations & photos, lexique






Note de traduction
Table des matières de la première édition (traduction)
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  • Préface de P. Guilleminet
  • Aux lecteurs
  • Première partie - La province de Kontum Deuxième partie - Les coutumes


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    Aux lecteurs


    Mettant à profit notre nomination à Kontum, nous avons, mon frère Nguyễn Đổng Chi et moi même, utilisé notre temps libre, et ce pendant dix mois, - du 25 juillet 1933 au 30 mai 1934 -, à recueillir les traditions des Bahnar installés aux environs du chef-lieu du Kontum. Cet ouvrage qui s'intitule « Montagnards du Kontum », nous l'avons rédigé qu'une fois de retour à la plaine.

    L'ouvrage est composé de deux parties :

    La première est une esquisse de la province de Kontum avec des données sur la géographie, la population, la politique, la ville, l'économie. Nous voulions, à travers ces rubriques, renseigner tous ceux qui souhaiteraient aller s'installer au Kontum, sur ce qu'il faut savoir : la nature du sol, le climat, le mode de gouvernement et surtout les activités de nos compatriotes vietnamiens déjà installés. Il nous semble opportun et utile de diffuser ces renseignements. Les autorités n'envisagent-elles pas en ce moment le défrichement de la région et le déplacement de la population, etc., afin de résoudre le problème du surpeuplement ? Si on décide de peupler progressivement les Hauts-Plateaux du Kontum, une région aussi vaste, celle-ci pourrait recevoir et nourrir beaucoup de monde.

    La seconde, consacrée aux coutumes des Montagnards, se subdivise en plusieurs chapitres : corps et âme, philosophie et croyances, astronomie, relations sociales, relations familiales, vie et mort, métiers, art, et l'ensemble est augmenté de proverbes, de devinettes et de contes et légendes.

    Notre but dans la seconde partie vise à faire connaître aux habitants de la plaine les coutumes des Montagnards qu'on nomme communément « Mọi » [sauvage]. Nous verrons que leurs traditions non seulement ne sont nullement barbares mais encore sont à bien des égards plus raffinées que les nôtres.

    Pendant que nous faisions notre enquête sur les coutumes des Bahnar, nous fûmes surpris – et peut-être que nos lecteurs le seront également – par le fait que certains éléments de vocabulaire et certaines superstitions sont semblables aux nôtres. Cette ressemblance est-elle un hasard qui ne mérite pas qu'on y prête attention ou une clef qui nous ouvrirait la porte vers une nouvelle recherche sur les origines du peuple vietnamien ? Nous nous contentons de poser la question sans y apporter de réponse. Nous laissons aux savants le soin de le faire[1] .

    Il faut dire aussi que les coutumes décrites dans cet ouvrage sont des traditions anciennes chez les Bahnar. Car soumises aux influences des étrangers venus s'établir sur leur terre, elles ont été plus ou moins réformées dans la forme comme sur le fond. Par exemple, les adolescents des deux sexes ont abandonné la coutume qui consiste à limer les dents, à distendre le lobe des oreilles, etc. Peut-être que dans quinze ou vingt ans ces pratiques disparaîtront définitivement. Sur le plan spirituel, il y a quelque de chose de changé : actuellement le Christ a plus de dix mille fidèles dont trois pères et cinq sœurs. En réalité il faut dire que ces changements ne sont pas très rapides. Même les Pères avouent qu'il est très difficile de convertir les « Sauvages ». Rien d'étrange et rien à redire sur ce point. Déjà les peuples civilisés, quand il y a des réformes à faire, ils subissent encore le poids du passé qui fait obstacle ; la tâche est d'autant plus difficile chez les Bahnar, peuple arriéré, que l'héritage des superstitions les empêche de voir et de réfléchir.

    Certains veulent savoir si les Bahnar sont xénophobes.

    Cette question nous oblige à nous souvenir d'une autre que nous posâmes à un ami Bahnar quand nous étions encore à Kontum : « Est-ce que les Bahnar sont contents que les Français et les Vietnamiens viennent s'établir à Kontum ? S'ils rentrent chez eux, les Bahnar en seront peut-être contents, non ? »

    Après un long moment de réflexion, notre ami nous répondit de manière drôle : « Autrefois quand il n'y avait pas encore de Français ni de Vietnamiens, nous, les Mọi, étions misérables (cực) mais heureusement misérables (cực sướng), depuis qu'ils sont là nous sommes heureux (sướng) mais misérablement heureux (sướng cực) [2] ».

    Au bout d'un moment il reprit : «Peut-être que vous n'avez pas compris ce que je viens de vous dire, je vais vous expliquer plus clairement. Autrefois, nous étions seuls, il y avait du brigandage, des guerres, des pertes de récoltes mais nous étions libres, nous n'avions pas à payer de taxes et ni d'impôts. C'est cela, être «misérables mais heureusement misérables». Aujourd'hui, grâce aux Français et aux Vietnamiens nous sommes tranquilles et nous avons ce qu'il faut, par contre il faut faire des routes, payer les impôts. C'est ça, être «heureux mais misérablement heureux». Si on doit faire une comparaison, il y a du bon et du mauvais des deux côtés. Mais oubliez tout ça, vous devez rester ici, les Français pour assurer notre tranquillité et les Vietnamiens pour nous vendre du riz et des saumures de poisson » [3].

    Réponse à la fois drôle et profonde. Comme d'autres peuples, les Bahnar n'aiment pas que les étrangers viennent occuper leur territoire, s'ils ne le manifestent pas ouvertement c'est parce qu'ils savent ce que les étrangers leur apportent.

    En ce qui concerne les Français qui sont les maîtres des peuples de cette Indochine, ils ont déjà une politique intelligente à l'égard des autochtones, nous pouvons nous passer de commentaires.

    Quant à nous Vietnamiens, qu'est-ce que nous devrions faire pour mériter la confiance des Bahnar ? Il n'y a qu'une seule façon, nous semble-t-il, de faire qui consiste à être proche d'eux, c'est-à-dire que dans les relations avec les autochtones nous ne devons pas les mépriser à cause de leur infériorité, ni les tromper à cause de leur candeur, nous devons être généreux et sincères à leur égard. Bref, nous devons nous comporter comme un grand frère (nous ne disons pas comme un maître) suffisamment averti pour guider le plus jeune. Pour parvenir à ce but, il faut surtout connaître leur caractère et leurs coutumes. Sur ce point, cet ouvrage peut être utile à bien des gens de notre communauté, car il n'est pas le fruit de l'imagination mais un recueil de choses vraies, c'est-à-dire celles que nous avons vues de nos propres yeux ou entendues auprès des Français ou Vietnamiens établis pendant longtemps dans la région, et surtout celles racontées par les autochtones eux-mêmes.

    Parmi ceux qui nous ont aidés à réaliser cet ouvrage, nous devons citer en premier lieu Monsieur le Résident Paul Guilleminet [4] qui nous a bien conseillés et nous a prêté plusieurs ouvrages traitant des Montagnards des Hauts Plateaux. En outre, il n'a pas hésité à préfacer notre contribution. Nous n'avons pas oublié les trois Pères Hlưih[5] , Jơi et Thìn qui nous ont appris des choses importantes et mystérieuses. Enfin, à tous ceux dont la liste serait trop longue à évoquer, nous adressons ici notre gratitude.

    Les auteurs


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    Notes :

    [1].
    À propos des origines du peuple vietnamien, J.Y. Claeys a écrit : « L'Annamite est vraisemblablement un autochtone du delta tonkinois, formé par le mélange d'un apport mongoloïde important avec le fond ancien indonésien, lui même nuancé de traces mélanésiennes et négroïdes. » Bulletin des Amis du Vieux Huế, nos 1 & 2, 1934, p. 57.

    [2]. NdT : Il s'agit bien sûr d'un jeu de mots qu'on ne peut, avec la meilleure volonté de traduire, rendre que partiellement : « Cực » en vietnamien veut dire misérable mais devant un adjectif ce même mot change de nature et devient un adverbe signifiant « très », par conséquent « cực sướng » dans ce contexte peut avoir deux significations : la première est celle que nous donnons ici dans le texte, et la seconde est « très heureux » qui ne nous semble pas le sens qui l'emporte d'après les explications données par la suite. Au-delà de ce jeu de mots, il faut voir aussi que l'interlocuteur de l'auteur connaît parfaitement la langue vietnamienne pour faire ce genre de jeu de mots.

    [3]. Nous avons posé la questions suivante à M. Y-Ut, instituteur rhadé (octobre 1934) : « Il paraît que les Rhadé détestent les Vietnamiens que sous sommes ? » Il nous a répondu : « C'est faux. Et pour quelle raison les Rhadé détesteraient les Vietnamiens ? Dans un rayon de 70 kilomètres les Vietnamiens peuvent circuler tranquillement, au-delà de cet espace, même nous, les Rhadé, nous devons faire très attention.

    [4]. Le Résident Paul Guilleminet est en train de rédiger deux ouvrages sur les traditions et coutumes des Montagnards et un dictionnaire français-bahnar.

    [5]. Le Père Hlưih est décédé en 1934, juste après notre retour à la plaine.


    Crédit photo :

    Toutes les photos & illustrations sont tirées de l'ouvrage réédité.

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